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Récit de Celuikyacru
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Date:

Juin 2001

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Je fais partie des décrochés de la saga M. Non sans douleur, et non sans encore quelques relents de doutes sur ma prise de liberté.

L’engagement que j’avais pris en 74, de me dédier, de servir, d’écouter, de suivre, du plus sincère de moi-même ce jeune adolescent si brillant et aux démonstrations si efficaces et si simples m’a tenu et peut être me tient encore quelque part dans mon for inconscient.

C’est l’âge de M qui pour moi était à l’époque un gage de garantie.

Ayant vécu pas mal d’expériences politiques radicales, mais aussi de découvertes d’horizons intérieurs plus subtils par la prise de produits réellement stupéfiants, je ne voyais pas comment un adolescent pouvait tenir une rhétorique aussi efficace et être le produit d’une manipulation familiale.

J’avais comme nous tous des souffrances psychologiques importantes, le monde livré à l’argent, à la guerre, à l’injustice m’était insupportable.

J’étais convaincu de deux choses :

1- le monde ne pouvait changer que si chaque individu changeait lui même personnellement. La révolution c’était d’abord en soi.

2- Seul un être quasi parfait, pur, divin mais je n’étais pas particulièrement branché avec le mysticisme, quelqu’un qui aurait fait le parcours jusqu’au bout de tout ce que la nature humaine peut connaître de ses mystères, pouvait animer véritablement le changement de ce monde.

M s’est présenté alors sans aucune ambiguïté comme l’incarnation de la vie elle même, de son plus petit élément jusqu’au cosmos.

Ses paroles ont alors fait mouche, et je me suis ouvert comme je pense je ne m’étais jamais ouvert à personne, ni comme je ne m’ouvrirai jamais plus à quiconque.

M allait régler le problème de ma souffrance, mais aussi celui de l’humanité entière, et cela de son vivant. Il ne parlait pas d’idées philosophiques ou de concept religieux, mais il parlait d’une expérience, d’un pouvoir divin qui allait tout résoudre.

Le challenge était grandiose et historique. J’ai d’ailleurs à l’époque tenté de convaincre tout le monde, révolutionnaires ou pas de se joindre à pareille entreprise.

Dieu ou la puissance subtile qui maintenait tout, faisait vivre tout, décidait tout d’un coup de s’occuper enfin de sa création pour ne plus la laisser à l’abandon et à la désolation. Qui à l’époque, un tant soit peu humain, pouvait ne pas partir dans ce trip ? Nous allions aider le Créateur de l’Univers à remettre le paradis sur Terre .

Et cela allait nous plonger dans une béatitude totale. Nous allions vivre ce que Lui vivait et ressentait. Nous devenions les égaux de Dieu lui même puisque l’expérience qu’il faisait nous allions la faire nous aussi.

Qui pouvait à l’époque résister à une telle perspective ?

Les prémies d’aujourd’hui nient cet aspect fantastique de la proposition de M.

Mais le deal à l’époque c’était ça. Sortir de sa propre souffrance et permettre aux autres d’en sortir. Tous frères et soeurs sur une planète bleue. Ceux qui pourraient penser que s’impliquer était chose facile, se trompent. Il m’a fallu faire abstraction de beaucoup d’idées, ou de sentiments, ou surtout d’esprit critique. Ah l’esprit critique… Cette belle émanation de l’ego. C’est vrai en partie. L’ego est responsable de la plupart des maux de cette planète. Mais il existe en nous une conscience, une intégrité, un nous même profond et inaliénable, que j’ai mis dans un tiroir, ou qui a été aspiré par cette perspective.

J’ai donc participé au jeu de la sélection pour recevoir la C. « est-ce que tu es prêt à tout pour avoir cette connaissance ? » « oui » « va te couper une main » .

Les choses sont maintenant beaucoup plus rationnelles et sensées. Mais à l’époque le parcours était très coloré !

Il fallait désirer « sans désir », ne rien attendre mais tout espérer, etc, etc.

Cession de connaissance : rien ! que dalle ! pas l’ombre du début d’un commencement d’expérience de rien ! Le massacre ! ! ! J’en suis ressorti défait au plus profond de moi-même. Mais bon, j’ai mis ça sur le compte de mon ego, de ma confusion, de mon mental. Et j’ai continué, car j’étais convaincu que l’expérience promise allait se manifester. J’ai fait tout ce qu’il était possible de faire, service, satsang, méditation.

J’ai eu plein de sensations, pleins d’émotions, mais au moment de vérité, tout seul sous mon drap, toujours rien. Pas la moindre lueur, pas la moindre musique, pas de verbe, ni d’adjectif ni de pronom, rien.

J’étais pris dans une contradiction terrible que formulait M : « tout dépend de vous, c’est à vous de faire le premier pas, et vous aller expérimenter ce que j’expérimente » et puis il ajoutait quelques satsang plus loin : « seule la grâce peut vous faire expérimenter ».

J’ai été pris dans un véritable tourment. Tout dépendait de moi et tout ne dépendait pas de moi. Peut-être n’étais-je pas assez bon prémie, assez dédié, assez soumis, que sais-je encore ? Et puis des fois je me disais que M était dur avec moi de ne pas m’accorder sa grâce, qu’avais-je fait ou pas fait qui me condamne ainsi à ne pas expérimenter ?

C’est que sans doute quelque chose m’avait échappé, yavais un truc tout simple que j’avais pas compris, ça devait être si simple que je le voyais pas. J’ai tout essayé, les centres DUO, les programmes continus et puis toutes les révisions de connaissance qui à l’époque étaient organisées pour ceux qui comme moi semblaient avoir des difficultés. Résultat : rien.

Je m’étais donc mis au début sur la pointe des pieds, et après une dizaine d’années, forcément j’ai commencé à avoir mal aux pieds.

Pendant ce temps, ma situation psychologique elle, n’a fait qu’empirer à mon insu .

Et ce qui devait arriver arriva : droit dans le mur et thérapie sérieuse à suivre sous peine de suicide prématuré.

Là je me suis un peu réveillé.

« IL » avait promis de me protéger,
« IL » avait promis que je serais plus heureux,
« IL » avait promis beaucoup de choses.

Si j’avais fait cette thérapie à l’époque où je ne rêvais que de lui embrasser les pieds (ce qui personnellement ne m’a jamais mis dans aucun état particulier quand je l’ai eu fait, au contraire, des prémies s’évanouissaient devant ses pieds et moi rien) ma vie aurait eu un tout autre ressentie ET JE N’AURAIS PAS SOMBRE DANS LES GOUFFRES DE SOUFFRANCE ET D’ISOLEMENT DANS LESQUEL JE ME SUIS RETROUVE.

J’ai fonctionné à l’époque comme tout le monde, je baratinais les gens, les autres prémies, qui eux même me racontaient des salades sur leur expérience. Nous devions tous être heureux et souriants puisque nous avions reçu la connaissance suprême. Pas question de dire réellement les choses. Tout le monde était dans un sorte de schizophrénie. Au début nous devions être des satsangs vivants, après les instances ont fait fermer leur gueule aux plus flippés ou confus, après plus personne ne devait en parler.

Quelle misère. Quel cinéma.

Et j’étais prêt à tout avaler, la fortune, le luxe, ma non expérience, les rites, les dons.

Pourquoi, un individu qui se prétend l’incarnation de Dieu, ou du pouvoir vital absolu, venu sur terre pour aider les humains, a jamais été capable de s’approcher un tant soit peu des humains , de ses disciples.

Dans les cessions de questions-réponse entre les prémies et M, j’ai toujours été choqué (mon ego) par la manière dont il renvoyait d’une pirouette ceux qui exprimaient leur désarroi ou leurs difficultés, devant une salle hilare et tout acquise aux effets de manche de l’orateur.

Pendant que des discours se tenaient sur l’impossibilité d’organiser des programmes en Afrique par manque de moyens, on cherchait des fonds pour acquérir une énième voiture, ou tel prémie heureux était désigné comme chauffeur accompagnateur pour que M fasse ses courses rue du Fg St Honoré avant de rentrer au Ritz.

On l’attendait depuis un an, parfois deux, il arrivait, discours de une heure, pile poil, et op en route pour le restau ou la suite royale, et beaucoup de prémies malheureux, assommés par le vide de son départ.

J’étais prêt à tout accepter, tout comprendre de son comportement si au moins j’avais pu expérimenter un tant soit peu quelque chose d’autre que l’hystérie ou l’émotion que ressent une groupie de Patrick BRUEL en sa présence, un regard, un geste, une attention. Mais non. La grâce n’a pas daignée se pencher sur mon cas. Or pour moi-même, mon cas est unique, forcément.

Me voilà donc confronté de nouveau aux Grands Mystères de l’existence !

Qui suis-je ? Où vais-je ? Dans quelle étagère !

Ce qui me choque aussi, c’est que M et tous ses cadres noirs dont je ne me soucie pas de leur capacité à se reconvertir dans les affaires, ne se soient jamais préoccupés de ce que devenaient les prémies qui s’éloignaient, et pourquoi ils s’éloignaient. J’ai même pensé un moment que M était à l’origine de ces éloignements pour passer inaperçu, la MLD EV restant un mouvement minoritaire, mais qu’un jour, par un coup de grâce mondialiste, tous ses prémies allaient se réveiller inspirés et actifs et enfin changer la face du monde.

Mon oeil, le troisième bien sûr !

Je regrette tout ça. Je regrette pour tous ceux qui y ont laissé du temps, des sentiments, de l’énergie, de l’argent, d’eux mêmes.

M peut me dire que je n’ai toujours pas compris une chose pourtant très simple. Et bien aujourd’hui j’affirme que si je n’ai pas compris c’est qu’on me l’a mal expliqué.

Il n’y a pas de mauvais élèves, il n’y a que de mauvais professeurs.

Et si en plus comme je le lis sur les déclarations de M Dettmers, mon Seigneur, Mon créateur, mon père, mon frère, mon ami, mon tout est alcoolo au dernier degré, fumeur de clopes et de pétards, et soumis aux dictats de son gland… Alors là, les enfants c’est la bouquet.

celuikiyacru

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