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Récit de Jean-François Payette
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Date:

Avril 1996

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Cette interview provient du site de Jacques Noel.

MAHARAJ-JI
Revue Missions étrangères
Entrevue de Marie-Hélène Parent avec Jean-François Payette
Avril 1996 - numéro spécial : l'explosion des nouvelles religions.

QUINZE ANS DISCIPLE DE MAHARAJ-JI

De 1972 à 1986, Jean-François a été disciple de Maharaj-ji, chef d'une organisation qui a ses origines en Inde et s'est implantée en Amérique et au Québec au cours des années ‘70.

C'est après avoir fait partie de plusieurs mouvements associés au Nouvel Age qu'un ami lui parle pour la première fois en 1972 de Maharaj-ji, le «Seigneur de l'Univers». Jean-François s'emballe pour celui-ci et en devient disciple.

Un nouveau style de vie au rythme effréné commence alors pour Jean-François. Dans cet article, il nous parle de ses dix années d'implication active au sein de cette organisation, puis de ses pénibles années de sortie et de son retour à l'Église de Jésus-Christ et à une vie normale.

Comment et pourquoi Jean-François s'est-il lancé dans cette aventure? Comment s'en est-il sorti? Que retient-il aujourd'hui de cette période exaltante et troublante de son existence? C'est ce qu'il nous livre dans les lignes qui suivent.

Jean-François, comment en es-tu arrivé à t'intéresser à un mouvement comme celui de Maharaj-ji?

C'est un processus qui a été graduel. Comme dans toute conversion, des événements et de personnes y on jouer un rôle plus ou moins déterminant. D'abord, dès mon enfance, j'ai beaucoup souffert physiquement. J'ai eu de nombreuses maladie et ensuite un grave accident qui m'a obligé à subir plusieurs interventions chirurgicales. À cause des séquelles de ces opérations, j'ai vécu une enfance plutôt solitaire. Cela a favorisé le développement de ma vie intérieure. J'ai donc été un enfant qui a éprouvé, très jeune, un grand besoin d'approfondir sa relation avec le Seigneur.

Puis, à l'âge de douze ans, mes parents se sont divorcés. Ce fut pour moi un choc plus terrible encore que tous ceux que j'avais jusqu'alors subis. Mon père était un homme autoritaire qui souffrait d'alcoolisme. Il n'a jamais vraiment su comment communiquer avec moi et j'ai beaucoup manqué de son affection. Quand ma mère m'a annoncé sa décision de se séparer de lui, la belle relation avec Dieu que j'avais nouée au cours de mes années d'enfance s'est écroulée en même temps.

Ma quête d'absolu a alors bifurqué pour emprunter d'autres voies. J'ai complètement abandonné toute pratique religieuse pour me lancer à la recherche d'un autre Dieu.

Comment s'est orientée cette recherche?

J'ai commencé à m'intéresser à des approches religieuses et philosophique variées, comme celle du bouddhisme tibétain. À l'époque, en 1968, cette philosophie était diffusée entre autres par des livres très populaires édités dans la collection "J'ai lu" en format de poche. Ils étaient écrits par le lama Lobsang Rampa. En fait l'auteur n'était pas un lama tibétain mais un ouvrier britannique qui a dû faire fortune avec ces bouquins! En lisant Le Troisième oeil et La Caverne des anciens, j'ai cru découvrir un nouveau Dieu qui m'apporterait la paix. J'ai été séduit par la croyance en la réincarnation et j'étais très attiré par les voyages astraux qu'on décrivait comme un merveilleux moyen de s'évader vers un monde meilleur.

J'ai aussi fait partie quelque temps d'un groupe d'études et d'exercices mystiques qui se réunissait toutes les semaines à Laval. Sens enseignements, basés sur la cosmogonie d'Urantia, étaient compliqués et je n'y comprenais pas grand-chose. Mais avec un compagnon de route, je faisais régulièrement des petits exercices de passes magnétiques et de sorties astrales. Ça n'a jamais fonctionné, mais j'espérais bien y arriver un jour!

J'ai fait d'autres incursion dans des groupes assez bizarres dont l'enseignement n'arrivait cependant jamais à me rejoindre complètement. Par exemple, j'ai fréquenté le philosophe québécois André Moreau. Grosso modo, il prêchait la réalisation de soi via l'excès dans la bouffe et les relations sexuelles. Je me demande encore aujourd'hui comment l'excès dans ces domaines peut amener la réalisation de soi! Son enseignement attire pourtant de nombreux adeptes puisque'il poursuit toujours ses activités.

Puis, en novembre 1972, au cours de ma première année au Cégep Saint-Laurent, mes démarche ont trouvé leur aboutissement. Un ami de longue date m'arrive un jour tout excité et me montre la photo d'un hindou sur la page couverture d'une revue. Il me demande si je savais qui c'était. À ma réponse négative il me dit : «c'est le gourou Maharaj-ji!» et il m'explique en grande pompe qu'il s'agissait de nul autre que du "Seigneur de l'Univers". Enfin, pensai-je, aurais-je trouvé ma voie? À partir de ce moment-là, j'ai commencé à m'intéresser à ce gourou.

Comment explique-tu l'attrait si fort qu'a exercé sur toi Maharaj-ji?

Ce groupe, très bien organisé, promettait quelque chose qui répondait à mes aspirations profondes : la rencontre et l'initiation auprès d'un vrai "maître".

Dès février 1973, je me suis rendu à Syracuse dans l'état de New-York avec quelques amis pour y être initié. Après deux nuits blanches passées à dormir sur le plancher avec plusieurs autres aspirants et une série d'entrevues avec un mahatma venu de l'Inde (un mahatma était quelqu'un désigné par le maître pour nous initier aux techniques de méditation), j'ai été admis à suivre la session d'initiation. Là, j'allais acquérir la Connaissance! (Voir encadré ci-contre)

Comment les choses se sont-elles passées après ton initiation?

De retour à Montréal, mon père m'a mis à la porte de la maison. Je m'y attendais car il avait clairement désapprouvé mon voyage à New York. Puis j'ai carrément abandonné mes études pour me retrouver dans une commune avec un groupe demembres très actifs de l'organisation. Rapidement, je me sis impliqué avec eux dans les activités du mouvement : je passe des nuits blanches à méditer, je participe aux satsangs, j'apprends à parler en public et à recruter des disciples, etc. Puis à l'automne 1974, je déménage dans le premier ashram fondé à Montréal. L'ashram est un genre de monastère où les règles de vies sont très strictes. Je me souviens qu'à peine quelques semaines après mon arrivée à l'ashram, un mahatma en visite me déclara : «Tu peux te compter chanceux d'avoir ét reçu si rapidement. Cela doit faire plusieurs vies que tue es avec le maître parfait!» Rien de tel pour me stimuler à me donner corp et âme à ma nouvelle vie!

Nous étions une quinzaine de membres seulement à avoir le privilège de vivre dans l'ashram sur les quelque 300 à 500 membres actifs dans l'organisation de Montréal. Dès mon entrée, j'aiété désigné pour faire partie de la catégorie des travailleurs à l'extérieur. Ce chois me fut imposé par le "père de famille" de l'ashram. Celui-ci avec le trésorier sont les deux personnages les plus hauts gradés dans un ashram.

En fait, ceux qui, comme moi, ont été choisis pour vivre dans l'ashram étaient les membre d'élite du mouvement. Car la Divine Light Mission avait une structure hiérarchique.

Peux-tu nous parler de ta vie dans l'ashram?

Voici en résumé quel était l'horaire de mon nouveau genre de vie :

4 h 30 am : Lever, suivi d'une heure de méditation et de travaux ménagers.

7 h am : Départ pour le travail à l'extérieur.

5 h 30 pm : Retour à l'ashram et travail bénévole un soir sur deux. J'informais par téléphone les membres actifs des activités important à venir et je sollicitais de ceux qui s'y étaient engagés le versement de 10% de leur salaire mensuel pour l'organisation. 11 h 30 pm : Méditation.

12 h 30 am : Coucher.

Mais déjà en 1975, après une année de travail acharné pour l'organisation, je commence à en avoir assez de ce genre de vie. Car en plus, on m'a souvent fait changer d'ashram.

On a commencé par me demander d'aller à Ottawa pour redresser la situation financière de l'association locale. D'un côté, c'était flatteur pour moi car on me donnait des tâches importantes à réaliser.

Mais ce n'étais jamais moi qui décidais de changer d'ashram. Et c'était toujours parce que j'avais prouvé que j'étais un bon travailleur et surtout parce que je représentais une bonne "vache à lait" pour l'organisation.

Est-ce à ce moment seulement que tu as commencé à te poser des questions sur ton engagement?

J'ai toujours eu des périodes de doutes à propos de l'organisation de Maharaj-ji. Dans ce moment de lucidité, je me disais que ce gourou et ces gens étaient des excentriques dangereux. Mais dès que j'assistais aux réunions ou que je parlais avec d'autres membres de vouloir m'en aller, on me disait :«Demain, tu vas avoir oublié ça et tu reviendra j'en suis sûr!» La pression du groupe constituait un renforcement positif puissant. Plus tard, je me rendrai compte que j'étais comme envoûté, tout spécialement lors des festivals où Maharaj-ji lui-même s'adressait à nous.

Quand as-tu pou la première fois essayé de quitter le mouvement?

En 1976, je venais de terminer mon travail à l'ashram d'Ottawa et je devais revenir à Montréal. J'ai décidé de ne par retourner vivre à l'ashram. Je me suis loué un appartement. Mais j'ai continué de participer aux activités du groupe, n'ayant pas développé d'autres intérêts en dehors de celui-ci. Finalement, le désarroi et la culpabilité ont pris le dessus. Ne pouvant faire les choses à moitié, avec personne à qui me confier et aussi parce que mon endoctrinement était à ce stade déjà très ancré en moi, je retourne à l'ashram et j'y deviens plus actif que jamais.

Plusieurs choses te retenaient donc encore?

Oui, surtout l'influence de Maharaj-ji. Contrairement à d'autres gourous, ce dernier n'a jamais mis par écrit ses enseignements. Alors quand nous avions la rare chance de le rencontrer, nous écoutions religieusement tout ce qu'il disait car c'était "le" Maître qui parlait. Dans ces rencontres il répondait aussi à nos questions. Un jour, on lui demanda quelles relations nous devions avoir avec nos parents. Pointant du doigt sa cravate, Maharaj-ji nu répondit : «Cette cravate, celle que vos parents vous ont donnée, laissez-là quelque part dans le fond de vos tiroirs. Comme la femelle ourse délaisse ses petits, vous devriez maintenir aucune relation avec vos parents.» À ce moment, moi, j'ai pris la décision de ne plus fréquenter mes parents ni même leur écrire. Mais en coupant les ponts avec ma famille et mes amis, j'augmentais ma dépendance.

Autre exemple : le Maître nous recommandait fortement le célibat. Il nous déclara un jour qu'uniquement les célibataire pouvaient servir. Plusieurs ont divorcé pour pouvoir devenir membre du groupe. Je me souviens d'une jeune américaine qui a accepté avec joie de faire le sacrifice de ne plus jamais revoir ses enfants, pour la plus grande gloire du Maître. Et du cas plus dramatique encore d'un adepte qui est allé jusqu'à tuer tous les membres de sa famille. Il disait avoir répondu à une vision où Maharaj-ji lui-même lui en avait donné l'ordre.

As-tu essayé de nouveau de t'en sortir?

Vers la fin de 1978, j'ai songé de nouveau sérieusement à partir. Je me sentais plus décidé que jamais. J'étais dans un état dépressif et je souffrais de surmenage. Vraiment j'étais brûlé! On a fait venir cette fois le grand responsable des ashram en Amérique du nord pour me convaincre de rester. Il m'a tenu des propos du genre : «Que vas-tu faire à l'extérieur sans la grâce du gourou?» Que répondre à cette question? Comment quitter celui que je considérais comme mon Dieu? Je ne voulais pas rater une seule once de cette grâce. Je suis resté. Et pour m'aérer l'esprit, on m'envoie à Regina.

Puis en 1982, après la décision de fermer tous les ashrams des petites villes de l'ouest du pays, les membres de ces ashrams se retrouvèrent à Toronto. Nous étions environ trente personnes dans une maison pouvant en contenir tout au plus douze. Je demandai à mes supérieurs la permission d'avoir une chambre moins peuplée car je ne pouvais supporter la pression et j'avais besoin de repos. On me dit : «Tu devrais peut-être méditer davantage et la grâce du gourou t'aidera à passer au travers de cette épreuve.» Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Je me jetai sur un des membres et je il démolis. Il dut être hospitalisé. La coordonnatrice des ashrams pour le Canada m'appela pour me dire que Maharaj-ji n'aimait pas les violents et que j'avais deux semaines pour quitter les lieux. Bref, j'étais expulsé comme dix ans auparavant mon propre père l'avait fait!

Comment t'es tu senti après ta sortie?

Enfin libre! Mais c'est aussi à ce moment que j'ai vraiment commencé à réaliser a quel point ces dix années m'avaient miné physiquement, psychologiquement et moralement. Je me découvrais seul, incapable de faire confiance aux autres, aves un fort sentiment d'insécurité dans tous les domaines, de la recherche d'emploi au plus petit détail de la vie quotidienne. Je devais réapprendre à vivre avec mes émotions, enfin réapprendre à vivre tout court.

Voici un petit exemple qui illustre l'état d'esprit dans lequel je me trouvais. Un soir, je décide d'aller manger dans un McDonald. Me voilà pris de panique dans le restaurant; je transpire à grosse gouttes car pour moi, végétarien, c'était un crime de manger de la viande. Poser ce geste signifiait un gros risque : celui de devoir reprendre le cycle complet des réincarnations! J'ai finalement surmonté mon angoisse pour bouffer mon premier hamburger depuis de nombreuses années.

Qu'est-ce qui t'a aidé dans ton retour à la "vie normale"?

Je réalise d'abord à quel point j'ai été chanceux d'avoir conservé un certain équilibre, malgré tout. D'autres que moi n'ont pas eu ce privilège : j'ai connu plusieurs membres du mouvement qui y ont laissé leur santé, leur équilibre, ou même leur vie.

En cherchant ce qui m'a permis de m'en sortir relativement indemne, je constate qu'il m'était toujours resté un petit fond de foi. En fait, je n'avais jamais vraiment réussi à quitter complètement le Dieu de mon enfance. Ou plutôt, c'es Lui qui ne m'avait jamais abandonné. Par exemple, le premier ashram montréalais était situé près de l'Oratoire Saint-Joseph où je me rendais souvent pour méditer. Je n'en parlais à personne mais ces petites escapades ont protégé une part de ma liberté et de mon équilibre.

Ensuite, ayant toujours travaillé à l'extérieur, à deux reprises en pleine crise, j'ai eu la chance de côtoyer des chrétiens. En 1978 à Regina, je travaillais dans une compagnie de finance où plusieurs employés étaient croyants. Ils savaient que je faisais partie d'un groupe dédié au service du "Seigneur de l'Univers". Comme je venais de tenter de quitter le mouvement sans succès, j'étais très réceptif lorsqu'ils me parlaient de leur foi au Christ. Et ils laissaient souvent sous la porte de mon bureau des textes bibliques pour méditer. Je les lisais. Certaines de ces personnes n'hésitaient pas d'ailleurs à me dire qu'elles priaient pour moi. Je crois que ces prières m'ont aidé.

Puis, peu de temps après mon expulsion, à Toronto, mon employeur s'est mis lui aussi à me parler de Jésus-Christ! Il était membre d'une Église évangélique, la Christian Missionnary Alliance. Il m'a invité à lire la Bible et à assister à leurs assemblées. J'y suis allé. Le pasteur de cette église s'est montré très accueillant à mon égard et j'ai pu avoir plusieurs rencontres avec lui. Revenu à Montréal, j'ai continué de fréquenter l'Alliance chrétienne et quelques autres églises évangéliques mais j'étais rebuté par leur discours un peu trop fondamentaliste et surtout leur ton moralisateur.

En fait, à cette époque, j'avais le sentiment de servir deux maîtres à la fois : je continuais de fréquenter sans grande conviction des groupes ou des personnes qui avaient des croyances ésotériques et d'un autre côté j'allais assez régulièrement prier à l'église.

As-tu aussi repris contact avec ta famille, tes amis?

Oui, j'ai graduellement repris contact avec eux. À l'automne 1983, mon père m'a invité à revenir à Montréal. Je n'ai pas eu besoin de me faire prier longtemps pour revenir à ma ville natale. Mais en mars 1985, une autre épreuve viendra menacer l'équilibre encore fragile que j'avais peu à peu reconquis. Mon père meurt à la suite d'une longue maladie. J'ai alors vécu des moments pires que ceux que j'avais connu jusque là. Je suis retourné au mouvement espérant y trouver de l'aide, mais je me suis vite rendu compte que je faisais fausse route. Je me suis jeté dans la boisson et dans la fréquentation des clubs de nuit.

Comment t'es-tu sorti de ce désarroi?

En 1989 j'ai découvert l'organisation Info-secte qui m'a fait un grand bien. Pendant quelques années, j'y ai fait de la recherche et de l'écoute auprès d'ex-membres de groupes religieux qui, comme moi, avaient besoin d'aide. Nous avons participé à la réalisation d'un vidéo sur ce thème et j'ai été invité à cette époque à donner mon témoignage à diverses émissions de radio et de télévision.

Qu'est-il advenu de ta foi?

Revenir à tout groupe religieux, comme je l'ai dit, même à l'Église catholique n'était pas chose facile pour moi. J'avais une réaction de rejet face à toute personne que j'identifiais comme un "leader religieux". Mais en 1990, un beau jour, je suis allé à la cathédrale Marie reine du Monde. L'abbé Marc Roy y célébrait l'eucharistie. Tous les lundis et vendredis au cours des deux années qui suivront, grâce à ce prêtre, je vivrai une intense "re-conversion". À travers ses homélies surtout, je reprendrai contact avec de Dieu de Jésus-Christ que je redécouvrirai comme un Père débordant de tendresse et d'amour pour moi. Cet amour de Dieu, j'en avais grandement besoin pour m'aider à passer au travers de mes difficultés! Vraiment, ce prêtre avait le don de toucher les coeurs endurcis et blessés; il savais si bien parler de (page 12) l'amour du Seigneur! Et vraiment, le Seigneur commençait à me rejoindre en mettant les bonnes personnes sur ma route. Je crois que Jésus avait alors décidé de me prendre par la main pour me conduire à Lui!

En 1992, j'ai aussi décidé de consulter un psychologue. Et j'ai également trouvé une communauté d'appartenance en fréquentant des groupes de prière. Ma tendance à m'isoler, mes peurs et mes manques de confiance se sont peut à peu estompés. Aujourd'hui, dans une de ces communauté, je fais partie d'une équipe qui organise une fois par mois des soirées où on présente des conférences, des témoignages et des vidéos sur différents thèmes reliés aux nouvelles religions. Notre but est d'éduquer la foi, d'informer et d'offrir du support aux personnes qui se questionnent sur ces sujets.

Ton expérience avec Maharaj-ji t'a-t-elle apporté quelque chose?

En me questionnant sur ce que je peux retenir de positif de ce cheminement de presque vingt ans, je crois qu'en bout de ligne, ce long détour m'a permis de découvrir ma vocation. Car ce qui j'ai vécu me donne aujourd'hui la possibilité d'offrir un témoignage utile aux personnes qui se sont égarées sur des voies trompeuses dans leur quête spirituelle. Je pense avoir acquis une foi et un discernement beaucoup plus profonds. Et quand je regarde la prolifération des nouveaux groupes religieux en Amérique du nord, je crois que ce discernement fait défaut autant dans le grand public que du côté de l'Église.

Mais n'y a-t-il pas suffisamment d'information sur ce sujet?

Dans la documentation disponible, les articles publiés et les émissions réalisées sur les nouvelles religions, on parle beaucoup des aspect social et psychologique du phénomène. Mais les médias osent rarement aborder de front la dimension de la foi. Or il y a chez nous beaucoup de souffrance spirituelle, ce qui fait d'ailleurs de notre société une cible de choix pour les vendeurs de nouvelles religions. Cette parole de Jésus garde toujours son actualité : «Attention!... des faux prophètes surgiront en foules... prenez garde que personne ne vous égare. Car beaucoup viendront en prenant mon nom; il diront : "C'est moi, le Messie", et ils égareront bien des gens...» (Mt 24, 2ss) Pour ma part, espérant être dorénavant immunisé contre ces faux dieux, je ne pourrai jamais oublier complètement ce que j'ai vécu. Et ce que je peux faire, c'est de témoigner et aider ceux qui vivent des difficultés semblables aux miennes.

Comment vois-tu la mission de l'Église dans ce contexte?

L'Église doit aider à voir clair et accompagner les personnes qui souffrent. Mais beaucoup semblent ignorer ce qui se passe et surtout le but poursuivi par le vaste mouvement Nouvel Age et des secte qui est justement, d'après moi, de détruire la foi. Il est ardu de développer une approche pastorale concertée et efficace, si on n'a pas suffisamment pris conscience de la nature et de l'ampleur du problème envisagé! Je crois qu'on a plutôt tendance à les minimiser. Au Québec, j'ai observé que les initiatives de la part de l'Église et de divers groupes concernés par ce phénomène sont moins nombreuses, combatives ou développées que ce qui se fait en Europe et aux États-Unis où notamment, de nombreuses associations poursuivent l'objectif d'informer, de mette en garde le public et aussi d'effectuer des démarches légales face aux abus et aux méthodes utilisées par certains groupes. C'est pourquoi je me tiens au courant en étant membre de deux associations américaines de ce genre, en plus d'oeuvrer sur le plan pastoral au sein de mon Église.

*L'auteure travaille depuis 1993 comme secrétaire à la rédaction pour la revue Missions-Étrangères. Avec Jean-François et une équipe de laïques, elle organise au sein de la communauté chrétienne Lajeunesse des activités mensuelles (soirées-rencontres, témoignages, vidéos) abordant le phénomène des nouvelles religions.

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(Encadré, p. 8)

UN MOUVEMENT BIEN STRUCTURÉ

À l'époque où j'en ai fait partie, voici comment le mouvement s'était structuré :

DIVINE LIGHT MISSION

(Fondé en 1971 aux États-Unis)

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GOUROU MAHARJ-JI

(Fils de Shri-Hans)

Novembre 1972, New Dehli, Inde :

Gourou Maharaj-ji est nommé officiellement successeur de Shri-Hans, son père.

Novembre 1973, Houston, Texas :

Gourou Maharaj-ji déclare officiellement être le dernier fils de la lignée des avatars (un avatar est une incarnation de Dieu, au même niveau que le Christ ou Bouddha) et qu'il va apporter une ère de 1 000 ans de paix au monde. Il est alors âgé de 14 ans.

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SIÈGE INTERNATIONAL

(Denvers, ÉU)

À partir de 1973, le recrutement d'adeptes s'est intensifié aux États-Unis et au Canada en vue de la création et de l'essor des ashrams.

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SIÈGE NATIONAL POUR LE CANADA

(Toronto)

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ORGANISATIONS PROVINCIALES

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ORGANISATIONS LOCALES

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Ashram

Membres "externes”

Travailleurs bénévoles pour la D.L.M. (qui ne travaillent pas à l'extérieur)

Travailleurs à l'extérieur (Qui doivent donner leurs salaires à la D.L.M.)

En 1978, la secte commence à faire face à des problèmes internes. L'autorité de Maharaj-ji est remise en question par plusieurs membres qui sont sortis de la secte. L'organisation réagit en fermant tous les ashrams canadiens, sauf ceux de Vancouver, Toronto et Montréal. En septembre 1982 tous les ashrams seront démantelés. L'organisation se restructurera autrement par la suite. Elle recrutera des membres mieux nantis et plus âgés. Car au cours de la période pendant laquelle j'en ai fait partie - de 1972 à 1983 - la majorité des membres avaient entre 18 et 30 ans. Aujourd'hui, le mouvement est devenu plus éclectique : il ne recrute que des membres qui peuvent verser 500 $ et plus pour y adhérer.

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(Page 10, photo et encadré)

LA TRANSE DE LA DANSE!

Maharaj-ji faisait tout en son pouvoir pour que nous tombions sous son charme et il parvenait aisément à ses fins. Il avait un tel sens du show-business et un tel don de nous en mettre plein la vue et les oreilles qu'il réussissait vraiment à nous convaincre qu'il était notre Maître. Parmi ses techniques de séduction, il y avait tout particulièrement ses danses, ses fameuses danses! Je me souviens très clairement de l'effet qu'elles provoquèrent su moi lorsque, pour la première fois, je vis en septembre 1978 notre maître danser. Cela se déroula à Pittsburg lors d'un festival. Après son discours, Maharaj-ji revint danser, torse nu, vêtu de ses pantalons hindous et attifé de son traditionnel collier hindou. L'hystérie s'empara de nous et plusieurs personnes perdirent connaissance. Le même manège se reproduisit régulièrement dans plusieurs festivals.

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(Encadré, p. 11)

LA MOBILISATION DE FONDS

Dans l'organisation, une autre activité importante était celle de la collecte de fonds. Les adeptes acceptaient facilement de tout donner. Mais il fallait un travail acharné pour ramasser le plus d'argent possible. Car on projetait les dépenses non pas en fonction de l'argent disponible mais plutôt en fonction du plus grand confort possible qu'on pouvait donner au Maître et à sa famille. Cela a occasionné bien des problèmes. Ainsi e 1979, nous avions acheté à crédit un avion type Boeing pour que le gourou puisse voyager en tout confort. Mais, petit problème, nous avons été vite en retard dans le paiements et les créanciers menacèrent de reprendre possession de l'appareil. Il y avait donc urgence, je dirais même plus, une très grande urgence. À l'époque, je me trouvais à Régina. On m'a demandé de donner une conférence et d'effectuer une levée de fond pour sauver cette entreprise. Je crois que j'ai fait le discours le plus convaincant de toute a carrière car, à la fin, un pauvre individu qui vivait de l'aide sociale me remit son chèque en entier. Et je n'ai alors même pas pensé à son bien-être mais plutôt à la plus grande gloire du gourou.


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