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Gare du Nord, les Parisiens qui courent vers les vacances n'accordent pas un regard aux groupes qui se forment près du quai non. Les jeans usés y côtoient les complets-vestons. longues tignasses et cheveux blancs se mêlent au milieu des familles au grand complet. Le "train spécial de la Mission de la Lumière Divine" s'ébranle pour dix neuf heures de route. A son bord, une atmosphère unique va s'installer très vite. Disponibles, ouverts à chaque instant vers les autres: mes compagnons de voyage le sont, d'évidence, et le resteront. Cela se sent à des regards, des gestes, des sourires qui ne sont pas de simples réflexes musculaires commandés par une quelconque règle sociale, mais viennent du cur. Les mots rendent insuffisamment compte de cette "communauté d'amour" que les rares observateurs présents ont ressentie de la même manière. Pendant une semaine entière, malgré les fatigues du voyage et les conditions inconfortables du séjour sous des tentes battues par des vents et des pluies quasi ininterrompues, malgré les mille et un frottements que sécrète forcément une collectivité aussi nombreuse, je n'ai pas vu un seul geste d'énervement ou même d'impatience, pas un mouvement d'agacement ou de colère. Toujours la même fraternité, la même patience sans mièvrerie, la même sérénité, reflet évident d'une profonde paix intérieure. A voir vivre ainsi ces gens sincères, venus de dix ou douze pays différents, de langues et de cultures variées on ne pouvait s'empêcher de penser aux premiers chrétiens, ceux dont on disait: "Voyez comme ils s'aiment. Où puisent-ils cette force ? C'est là que tout raisonnement logique apparaît vain. Car la source qui les unit, disent-ils c'est cet Indien joufflu et presque imberbe, grand amateur de voitures de sport et d'avions à réaction, qu'un spirituel échotier qualifiait récemment de "moitié boudin, moitié Bouddha". Guru Maharaj Ji-seigneur de l'Univers, roi de la Paix, révélateur de la Lumière incarnation divine, tels sont les titres que lui donnent ses dévots-devenu maître parfait à l'âge de 8 ans, sans avoir jamais lu la Bhagavad Gita, et dont les prédications étonnent par leur platitude. Il faudrait raconter les évanouissements, les prosternations, la joie folle des dévots, le dernier soir du festival, quand le Maître Parfait esquissait un pas de gigue au bras de son épouse, tandis que ses mahatmas - crâne rasé et robes orange ou safran - dansaient la ronde, quelques marches plus bas, et que six ou sept mille personnes' comme prises d'hystérie, sautaient ou s'étendaient par terre, sur l'air de "When the saints go marchin'in" tonitrué par l'orchestre... Expliquer cela ? C'est impossible, bien sûr. Et pourtant, ce sont les mêmes qui vivaient dans une sereine pauvreté au milieu des tentations consommatrices de Copenhague, qui donnaient de l'attention et de l'amour tout le temps, qui se prosternaient devant le guru. Des hommes et des femmes comme les autres, âgés en majorité de 20 à 30ans. Ils ont indubitablement trouvé la paix intérieure dans cette mystique très indienne, sans credo ni liturgie ni métaphysique, sans dogmatisme et presque sans rite, qui emprunte autant à Jésus qu'à Bouddha. "J'ai découvert, ou plutôt constaté, m'a expliqué l'un d'eux, que l'énergie d'amour présente constamment en chacun de nous est une parcelle de l'énergie qui fait exister l'univers: c'est la connaissance qui m'a été donnée par Maharaj Ji à travers les techniques simples de raja yoga." Un tel langage peut paraître fou ou farfelu. Force est cependant de reconnaître que ceux qui n'ont pas en eux une conviction plus profonde encore envient cet équilibre et cette sérénité. Bernard
Soulé. |
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