La France des Sectes
La Mission de la Lumière Divine
(Ancien nom de l'organisation de Prem Rawat)


En 1978, le sujet des sectes était déjà d'actualité suite à l'émergence au début des années 70 d'un grand nombre de groupes défrayant la chronique.

Née en 1972, la 'Mission de la Lumière Divine' (antenne française de la Divine Light Mission, rebaptisée ensuite Elan Vital dans les années 80) avait une audience notable en France, et les médias ne manquaient pas de la citer dans les documents paraissant régulièrement sur le sujet.
Les pages reproduites plus bas sont une étude originale, comme le texte le montre. Leur auteur, Fanny Cornuault, a fait un travail d'enquête: elle a interviewé les responsables de l'époque, elle a assisté à des réunions et consulté la littérature de la MLD.


Ce qui suit est un témoignage du passé important, et pour réfuter les thèses de Prem Rawat qui a réécrit son histoire et tenté de faire disparaître ce genre de témoignages, nous avons choisi ces extraits pour figurer sur le site ex-premie.org.





Voici la reproduction du chapitre concernant Prem Rawat et sa 'mission', dans ce livre paru chez
Tchou en 1978.



Avant de rentrer dans le détail de son étude sur plus de 180 groupes, l'auteur nous fait une présentation générale de la problématique sectaire de l'époque.

Pages 7-8

En guise d'avertissement

Tout va mal ? Eh bien, moi, je considère que vivre à notre époque est une chance inouïe. Une époque qui bouge, dont la spiritualité s'est mise soudain à respirer plus vite. Apres un XIXe siècle fertile en progrès techniques, nous voila parachutes dans un XXe de fermentation intense.

Pascal a dit un jour : " Un peu de science éloigne de Dieu et beaucoup y ramène. " Il était temps d'y revenir. Au début du siècle, notre potentiel de créativité artistique a commence a s'épuiser. Notre génie s'est petit à petit tari. Même Picasso, sur la fin de ses jours, ne savait plus inventer.

Puis, le miracle s'est opéré : après la guerre, nous avons réinventé Dieu et voici que, dans la fièvre artistique soudain déclenchée, nos jeunes générations se penchent de nouveau, comme aux lointains temps bibliques, sur de fertiles problèmes ontologiques. A ce propos, une enquête menée auprès des adeptes de l'Eglise de l'unification de S. M. Moon a révélé que la plupart d'entre-eux avaient reçu une formation scientifique. Comme si les mathématiques, la physique ou la biochimie, en ignorant tout ce qui touche a l'irrationnel, par un paradoxal retour de balancier, y sensibilisaient davantage les esprits. A moins que les grands domaines de la spéculation ne finissent toujours par se rencontrer.

Le plus étonnant, sans doute, est de voir que S. M. Moon, le premier, a, depuis longtemps, compris ce phénomène. Lorsqu'il organise un congres d'information sur la doctrine dont il se proclame le prophète, c'est sur leur terrain qu'il va débusquer les scientifiques. Un brillant parterre assiste à ses discours : prix Nobel de médecine, spécialistes de physique nucléaire, de mathématiques... Ces gens qui, d'ordinaire, ne s'en laissent pas conter, qualifient de " très intéressantes " ses filandreuses digressions théologiques et considèrent avec un grand sérieux les " preuves biologiques de l'existence de Dieu " qu'il n'hésite pas a invoquer. Eux qui passent parfois leur vie entière à calculer la date probable du commencement du monde qu'ils font largement remonter à plusieurs millions d'années, conviennent, en accord avec le " Révérend ", qu'il aurait bien pu avoir lieu en 4000 avant J.-C. Symbolisme sans doute, dans leur esprit. Mais que dire de ceux qui les voient approuver du chef et se rallient à leur jugement d'hommes de science ?

Ne dirait-on pas que notre époque balance dans un exact équilibre entre ces paroles que prononçait Renan, en 1890 : " La science peut vraiment prendre la place de l'ancienne foi religieuse. Elle peut se substituer a la religion pour expliquer à l'homme son mystère ; elle est en mesure de résoudre l'énigme de son existence ", et celles d'André Malraux : "Le XXle siècle sera spirituel ou ne sera pas" ?

Ainsi, dans ce siècle de transition, à la veille d'une civilisation que nous ne connaissons pas encore mais dont, chaque jour, nous cultivons les germes, nous nous trouvons coinces entre deux thèses : celle de J. Monod selon laquelle nous résultons d'un concours de hasards en chaîne, sans intervention divine, et celle des savants de la " gnose de Princeton " qui estiment que Dieu est une idée pure. Il n'a pas de forme, pas de nom, mais reste, à leur avis, une abstraction nécessaire a toute création. A sa présence, disent-ils, se heurtent toutes les découvertes scientifiques, en un point ou l'autre de leur recherche. Voila la science devenue, du coup, championne de l'irrationnel. Un peu comme si nous avions attendu la mort de Nietzsche pour ressusciter Dieu.

Et pourtant, nos églises traditionnelles se vident. Un récent sondage a révélé que 25 % des Français seulement sont croyants. Et parmi eux, horrible constat, 83% seulement croient à l'enfer et 73 % au diable. Comment s'en tirent les autres ? Espérer le salut chrétien en négligeant la damnation, est-ce possible ? En outre, il semble qu'une telle amputation ôterait à la doctrine sa partie la plus intéressante, celle qui brandit la menace et, malgré nous, nous pousse au bien. Et puis le paradis ne prend-il pas, du fait de la disparition de son contraire, un sérieux coup dans l'aile ?

C'est un fait que, durant ces dernières années, nos théories religieuses ont sensiblement évolué. Au siècle passé, il était de bon ton de se dire manichéiste. Dieu était d'un cote et le diable de l'autre. De nos jours, ces idées toutes simples sont remplacées progressivement par un enseignement plus fou, plus " unitiste ", plus nuancé. Tout est dans tout, ce qui est Yin est aussi Yang et vice versa. Le masculin est présent dans le féminin, et la lumière dans I'obscurité. Le diable n'est que l'aspect obscur de Dieu, lequel, comme Janus, se retrouve nanti d'un double visage dont il montre l'un ou l'autre aspect, en alternance. La Kabbale, déjà, ne disait pas autre chose, en avance de plusieurs siècles sur l'évangile, et la phrase célèbre des alchimistes, " Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas ", répond à celle, plus récente, du Sonnet des correspondances de Baudelaire :

" La nature est un temple ou de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
µQui l'observent avec des regards familiers. "

Et voilà que, par-delà les mers, répond la très ancienne voix des Rig Védas : " L'inconscient est le sommeil du supraconscient... L'inconscience apparente de l'univers matériel contient en soi, obscurément, tout ce qui est éternellement révélé dans le supraconscient lumineux ", " La vérité d'en haut éveillera une vérité en bas ". (Savitri). " La connaissance humaine, écrit Sri Aurobindo, jette une ombre qui cache la moitie du globe de la vérité de son propre soleil... Sous prétexte de vérité absolue, le mental rejette la fausseté, mais c'est l'une des raisons principales de son incapacité d'atteindre la vérité ronde et parfaite. " (Thoughts and Aphorisms).

Pour en revenir au diable, 2 % des catholiques français nient son existence, mettant du même coup l'équilibre sacré en péril. Cependant, il faut se rendre à l'évidence : quand on le chasse par la porte, il enjambe la fenêtre. On le voit resurgir parmi nous, pis qu'au temps des sorcières. Il projette des éclairs sur les écrans, asperge de vapeurs sulfureuses et de crachats immondes notre littérature, empeste nos phantasmes. Erotisme, sorcellerie, magie noire, exorcismes et envoûtements, messes sataniques et malédictions à distance se portent à merveille. Pour se convaincre de ce rétablissement de " l'équilibre " il suffira de feuilleter d'un doigt mouillé d'eau bénite les revues spécialisées dans l'étrange, le magique et le maléfique. De même, chaque éditeur se fait une gloire de posséder sa propre collection infernale. Partout, on débusque le surnaturel obscur, l'innommable, le maudit. Les sociétés secrètes sacrifient a Belzébuth dans l'ombre et lui consacrent, chaque jour, plus de sexes féminins qu'on n'offre d'hosties dans les églises. Le Grand Albert, lui-même, qui fut jadis la Bible des sorcières, vient de faire l'objet d'une réédition. Il se vend bien. Tout aussi bien que le manuel des ,formules précatoires et imprécatoires de l'abbé Julio. Sans parler bien sur de ces dames, et le diable sait si elles sont nombreuses, qui vous avoueront en reprenant un trente-sixième petit four, qu'elles sont sorcières de mère en fille, jettent des sorts comme elles respirent et comptent Satan au nombre de leurs amis les plus chers.

Pourtant, une question s'impose lorsqu'on a fait cette dernière constatation : si le diable abandonne nos églises officielles, dans quels obscurs sanctuaires a-t-il choisi de resurgir et ou réussirons-nous à le dénicher ? N'est-il pas regrettable que l'Eglise catholique ait décidé d'ôter au culte son aspect proprement magique, celui-là même qu'on venait quêter au fond de ses sanctuaires ? Les prêtres, en parlant mariage, jettent avec leur soutane, leur vertu par-dessus les moulins et liquident le péché de chair. Qui nous rassurera dans notre impuissance, dès lors qu'eux-mêmes désormais s'y refusent ?

C'est pourquoi il était nécessaire qu'apparaissent des Moon, des Sundari et le petit monde des prophètes. Par l'admirable élan de leur miséricorde plus que chrétienne, ils ont ressuscité l'heureux épouvantail en nous invitant à leur tour à morigéner, comme il se doit, notre corps en ses hideux transports. L'équilibre, encore...

La voilà enfin restaurée, notre chère frustration et, avec elle, dissipée notre misère sexuelle. " Dieu castrateur- ", dirons-nous, fiers de pouvoir de nouveau courber le front, " s'il te plait, ne nous fais plus jamais le coup de ne pas exister ".

© Tchou, éditeur, 1978.



Après 200 pages environ de documentation comprenant 5 parties dédiées respectivement à: 1. Dissidences des Grandes Religions, 2. Le Folklore Chrétien, 3. Le Folklore Science-Fiction, 4. Le Folklore Initiatique, on arrive à la cinquième partie consacrée au Folklore Oriental.

Pages 213-216

Le Folklore Oriental

Sur les chemins pailletés du folklore oriental...

Poussons la porte qui nous dissimule I'Orient éternel et glissons-y un prudent coup d'œil. Las ! C'est un bazar ! C'est Hong Kong, Saigon, Bangkok un jour de marche... Le bric-à-brac asiatique s'étale autour de nous, avec ses odeurs d'épices et d'encens, ses monticules safranés, les robes oranges des bonzes et les saris mordorés...Mais qu'il est difficile de s'y retrouver ! Voilà que le maître japonais, Taisen Deshimaru dresse là-bas sa haute stature, immobile, rigide, superbe, à côté du petit Sri Chinmoy, tout de satin bleu vêtu, les yeux au ciel, la tête dodelinante, la mine hilare. Plus loin ont surgi les disciples de swami Muktananda, remontant le fil de leurs incarnations par paliers, jusqu'au temps où ils étaient chien, liseron ou fossile. Ils arpentent les rues comme une horde débile et sauvage, agitant leurs clochettes de prières, poussant à longs hurlements leur mantra "so-ham", se laissant aller parfois à émettre un aboiement bref ou un gémissement étouffé. Se traînant à genoux, bras levés vers le soleil, ce sont les disciples d'Ahura Mazda qui les rejoignent maintenant. Ils longent les murs de profil, comme ils font vu faire aux bas-reliefs égyptiens, et récitent les hymnes de l'Avesta en l'honneur du soleil levant. Et puis de partout, de chaque rue, de chaque impasse, jaillissent à leur tour les adeptes de ces mille et une traditions orientales dont nous trouvons chez nous les messagers : des Tibétains avec leurs bonnets jaunes, leurs robes rouges et leurs longues cornes de brume, des disciples de Krishna, sautillants comme des pantins avec leurs costumes rose crevette, des Sikhs, solennels et tout de blanc vêtus et des Japonais, des fakirs, des yogis, des karatekas... A vous donner le vertige.

Etait-ce un besoin ? Sommes-nous allés les chercher ou se sont-ils imposés à nous ? Qu'importe, ils sont arrivés doucement, les mains sur le ventre, parés du sourire et de la politesse qui les caractérisent, par vagues subreptices. Mais quelles découvertes aussi ! Nous croyions avoir dompté l'espace et le temps, les avoir canalisés dans nos machines à quartz et nos podomètres ? Voilà que, sous leur influence, nous découvrons de nouvelles possibilités, complètement inconnues. Voilà que le temps se déforme et devient élastique, une vraie guimauve. Il s'étire et se rétracte et, par la grâce de "l'Eveil", de la "Connaissance" ou de "l'Illumination" vendus par ce gourou ou cet autre, nous découvrons à notre tour les moyens d'y voyager. Nous le remontons, le descendons, l'activons ou le ralentissons à loisir. De même, par la seule force de notre esprit, nous devenons capables d'explorer toutes les dimensions de l'espace. Et non plus seulement la hauteur, la largeur, la profondeur. Dix mille autres dimensions nouvelles, étonnantes. Nous allons en n'importe quel lieu, fut-ce sur la Lune ou sur Saturne, dix mille fois plus vite que la lumière, à la vitesse de la pensée...

Quelle revanche aussi, après avoir judéo-chrétiennement brimé notre corps pendant des siècles, de découvrir comment toutes les portes de notre esprit partent de lui, de son entraînement, de son exploration, de la maîtrise de ses pulsions... Voilà que chair et esprit se mêlent après s'être si longtemps opposés, dans un même travail d'élévation vers l'unique... Nous, les brûleurs de sorcières, voilà maintenant que nous découvrons l'origine des pouvoirs que nous leur reprochions et cette origine n'est plus satanique, mais sainte. Une nouvelle voie d'ascèse qui, des muscles et du corps, mène à Dieu...

Bien sûr, les enseignements varient d'un gourou à l'autre et les facteurs de séduction aussi. L'un s'attachera à l'entraînement physique, au hata-yoga, l'autre insistera sur la valeur de la méditation silencieuse. Un troisième prônera les bienfaits du mantra récité en groupe. D'autres encore montreront à leurs adeptes des voies d'épanouissement plus réjouissantes, agitation tantrique ou maîtrise de soi dans le tir à l'arc. Ce sont là questions d'itinéraire personnel. Chaque maître a choisi son propre chemin. S'il est un bon maître, il ne prétend pas l'enseigner mais se contente de le designer comme une possibilité. Au disciple de choisir la vérité qui lui est bonne sans, en aucun cas, se restreindre à l'expérience transmise par son guide. Il doit dépasser celui-ci, le tuer même, symboliquement, lorsqu'il croit avoir acquis l'essentiel de son message.

Certaines constantes demeurent toutefois dans la plupart des enseignements orientaux. Ainsi vous parlera-t-on presque universellement de vos "chakras" et de la "kundalini". N'ayez pas l'air ignorant en entendant ces termes pour la première fois, ce sont des notions aussi banales dans le contexte de la philosophie hindoue que la croix ou l'hostie pour un chrétien. Les chakras sont sept boutons de lotus repartis le long de notre colonne vertébrale, sept centres d'énergie spirituelle dont l'épanouissement nous donne, pour chacun, accès à un plan de conscience particulier. Voici ce qu'en écrit, par exemple, le philosophe indien Ramakrishna :

"Le Védanta parle de sept plans différents dans chacun desquels le "sadhak" a une vision particulière. L'esprit humain a la tendance naturelle de confiner ses activités dans les trois centres inférieurs, le plus haut des trois étant en face du nombril et, par conséquent, il se contente des satisfactions que donnent les plaisirs matériels, la nourriture, etc. Quand l'esprit atteint le quatrième centre, celui qui se trouve en face du cœur, l'homme voit un rayonnement divin : toutefois, de ce point, il redescend souvent aux trois centres inférieurs. Quand l'esprit atteint le cinquième centre, en face de la gorge, le sadhak ne peut plus parler d'autre chose que de Dieu... Même de cet état, un homme peut revenir en arrière, aux trois centres inférieurs : il lui faut donc rester sur ses gardes. Mais une fois que l'esprit est arrive au sixième centre, entre les sourcils, l'homme est à l'abri de toute crainte, il obtient la vision du "paramatman" et reste toujours en "samadhi". Il n'y a plus qu'un mince voile transparent entre cet état et le centre le plus élevé ou "sahasrâra"... Apres être resté constamment en samadhi pendant vingt et un jours, il déchire le voile transparent et devient pour toujours un avec le Seigneur. Cette éternelle union du jiva et du paramatman dans le sahasrâra est ce qu'on appelle l'arrivée au septième plan."

Le samadhi, on l'aura compris, est un état d'extase tellement avancé que plus rien n'existe hors de lui. Quant aux chakras, leurs rôles et leurs positions respectives se définissent de la façon suivante:

- A la base de la colonne vertébrale se trouve le chakra-racine dont l'éveil conditionne l'épanouissement de tous les autres chakras ; c'est là que dort ordinairement le serpent de la conscience divine qu'on appelle aussi la kundalini ; dès son réveil, celle-ci s'élève progressivement, comme une colonne d'énergie fluidique, ouvrant sur son passage les chakras supérieurs ;
- au-dessus de la rate se trouve le chakra splénique chargé de capter la vitalité venue du soleil ;
- au niveau du plexus solaire ou de la glande pinéale se trouve le chakra ombilical qui, en raison de sa position, est en relation étroite avec nos pulsions sentimentales et nos émotions ;
- le chakra cardiaque est, à un niveau de sentiments plus élevé, en relation avec les qualités affectives de notre individu ;
- le chakra de la gorge est le centre de notre personnalité ;
- le chakra frontal, entre les sourcils, à l'endroit où nous situons ordinairement notre troisième œil, est le centre de notre éveil spirituel ; il nous confère le don de la clairvoyance : invisible, en effet, cet organe ne saurait appréhender que les choses qui lui ressemblent ;
- le chakra-couronne est le plus noble. Situé au sommet de notre tête, à l'endroit exact où battait jadis notre fontanelle, il est le centre de notre plus haut niveau de spiritualité, une trappe par où peut s'échapper notre âme lorsqu'elle désire quitter son corps pour effectuer par exemple, un voyage "en astral".

Lorsque le serpent kundalini s'élève, il produit sur son passage, tout le long de notre moelle épinière, une brûlure très vive et parfois douloureuse, au point, lorsqu'elle est mal conduite, de provoquer la mort ou la folie. Ceci pour dire qu'un gourou ne se choisit pas nécessairement comme une marque de lessive et que certains, parmi eux, peuvent se montrer dangereux.

Voici comment Ramakrishna essaie de définir la montée incandescente de son propre serpent intérieur :

"Quelque chose monte en un frémissement des pieds à la tête ; tant que cela n'atteint pas le cerveau, je garde ma conscience ; dès que le cerveau est atteint, je suis mort au monde extérieur. Je n'entends ni ne vois plus rien et parler est hors de question. Qui parlerait ? La distinction entre "moi" et "toi" n'existe plus. Parfois, lorsque je sens cette force mystérieuse me monter au cœur ou à la gorge, je voudrais la décrire... Mais à l'instant où le flot dépasse ma gorge, quelque chose me ferme la bouche et je romps mes amarres en quelque sorte."

Après, suivant les cas, il se peut qu'on aperçoive une perle bleue, d'un bleu si intense qu'il n'en existe pas de pareil sur terre, ou bien qu'on sente le "nectar divin" ruisseler dans ses fosses nasales, ou encore qu'on entende une musique si suave et si magique qu'aucun son ne lui est comparable. Ce sont les trois récompenses accordées par la "Shakti", la conscience divine, à celui qui sait grimper jusqu'à elle.

Il est évident, cependant, qu'atteindre à ce niveau d'illumination suprême demande beaucoup de temps et d'entraînement. Et cet entraînement commence par une parfaite maîtrise de son corps. C'est ce que nous appelons, dans un sens très restrictif par rapport à celui que lui donnent les hindous, le yoga. Celui-ci repose sur quatre stades d'observation essentielle : observation du corps (contrôle de la respiration, des positions, des mouvements et des impuretés), observation des sensations et pensées, observation des phénomènes internes, observation, enfin, du travail de l'esprit.

Parce que le yoga est une discipline adoptée et pratiquée chez nous depuis de longues années, il aura la primeur de notre étude. Nous nous attacherons dans un premier paragraphe à découvrir ce qu'il est devenu en Occident et ce que nous en avons fait. Car il existe aujourd'hui de vrais et de faux yogas, lesquels se limitent souvent, par suite d'une trop grande "européanisation", à un simple contenu formel, dépouillé de tout contexte spirituel. De la gymnastique, en somme.

Et puis, passant à une autre forme de distorsion, nous étudierons ce qu'en Orient on appelle le "bhakti yoga", le yoga de la dévotion, théoriquement indissociable du précédent. Certains groupes - la méditation transcendantale en est sans doute le meilleur exemple - pour des raisons de temps et d'efficacité, l'ont dissocié de son contexte formel pour n'en garder que la substance. Ceux-là prétendent vous enseigner comment faire de la lévitation ou vous dédoubler sans pour autant connaître le moins du monde les itinéraires secrets et les centres d'énergie de votre corps. "Essayez, disent-ils en s'envolant, ça marche !"

Et puis nous parlerons d'une autre forme de méditation yoga importe du Japon : le zen. A sa suite viendront des éléments qui lui sont complémentaires : l'alimentation macrobiotique et les arts martiaux.

De là, nous glisserons vers une autre branche d'alimentation végétarienne d'inspiration orientale, introduite en France par le bon docteur O'Hanish, disciple de Zarathoustra et adorateur du soleil, Ahura Mazda. Les facéties du groupe Mazdaznan, dont il est en Europe le prophète, nous guideront sur les bords ensoleillés de l'Egypte éternelle où nous pratiquerons un yoga original, inventé, raconte-t-on, par les pharaons eux-mêmes pour tromper l'ennui de leurs immenses palais et rejoindre tout à leur aise des domaines plus élevés encore que le sommet de leurs pyramides.

Les Tibétains nous préoccuperont ensuite. Depuis qu'ils ont été boutés hors de leur pays par les troupes communistes, beaucoup se sont réfugiés en France où ils ont forme de nouveaux monastères et recrutent des disciples français. Là aussi, nous verrons qu'il existe de vrais et de faux Tibétains. Certains farfelus, convaincus, parce qu'ils avaient passé quelque temps dans une lamaserie, qu'ils pourraient à leur tour former des disciples, ont en effet fondé leur propre monastère où ils se font appeler "rimpoche" (vénérable) et enseignent une doctrine qui, aux yeux des "purs", ne semble pas toujours orthodoxe.

Et puis, quand on parle du Tibet, comment ne pas évoquer le tantrisme ? Ce nom magique soulève à nos yeux des voiles vaporeux et troubles, parfumés de luxure et d'idées sensuelles. Il arrive pourtant qu'il s'agisse d'une technique véritablement spirituelle et ascétique. Dans d'autres cas au contraire, il est la porte ouverte à différents excès destinés à épanouir notre "potentiel humain" et à favoriser notre "expansion psycho-physique". A ce titre, devenu une médecine d'excitation sexuelle, il coûte fort cher et concerne une tranche éclectique et blasée de notre population.

Les sectes orientales achèveront notre périple. Nous y verrons ce que peuvent devenir les doctrines originales une fois remaniées par d'étranges gourous, suivant les nécessités financières ou les particularités régionales des endroits où ils se sont installés, après, la plupart du temps, avoir été refoulés de chez eux. Ils sont, en quelque sorte, les aventuriers de l'initiation spirituelle, assurés en peu de temps d'amasser une coquette fortune tant est grande notre soif de Dieu. Mais nous verrons aussi que, comme celle des plus grandes stars, leur image de marque a de saumâtres revers et qu'ils sont en butte à des contradictions, à des brimades et à des attaques répétées tant de la part du fisc que des organisations antisectes et des adeptes des religions dites "instituées".

© Tchou, éditeur, 1978.



Après l'inventaire détaillé de ce bric-à-brac, la Mission de la Lumière Divine figure au 25ème rang des 26 groupes étudiés dans cette partie.
L'ouvrage comporte ensuite une 6ème partie consacrée à La Famille Nordique et Occidentale, une 7ème partie consacrée à Magie, Sorcellerie, Sabbats, Envoûtements guérisseurs et covens anciens et modernes, puis une partie bibliographique où figurent toutes les adresses pour se fournir en bricoles, gadgets, littérature (y compris l'adresse où se procurer les Actualités Divines et autres documentations rawatistes de l'époque), initiations par correspondance et autres lieux de rencontres plus ou moins ésotérico-mystiques - le tout constituant un énorme pavé relié de 342 pages.


Pages 274-277

LA MISSION DE
LA LUMIERE DIVINE -
LES DISCIPLES DE GOUROU MAHARAJ-JI

(Note: aucun des lieux qui suivent n'est encore lié aux organisations actuelles de Prem Rawat, nde.)

Siège français :
- 21, rue de Pondichéry, 75015 Paris (567-98-51)

Coopérative alimentaire :
- 157, rue Pelleport, 75020 Paris
- 24, rue Aristide-Briand, 94360 Bry-sur-Marne

Réunions publiques et "satsangs" (témoignages) :
- Salle des Ingénieurs des Arts et Métiers, 9, avenue d'lena, 75016 Paris (un vendredi sur deux à 19 h)

Siège du DUO (Divine United Organization), service de relations publiques :
- 47, rue du Martray, 95240 Cormeilles
- 13, rue Sainte-Hélène, 69000 Lyon

Centres province :
- 10, rue Notre-Dame, 13001 Marseille (Tel. : (91) 54-31-5 9)
- 24, quai de Versailles, 44000 Nantes (Tel. : (40) 7178-5 7)
- 31, rue de Verdun, 68000 Mulhouse

II existe en France une trentaine de centres et ashrams dont cinq dans la région parisienne. Ces adresses peuvent être obtenues au secrétariat de la rue de Pondichéry.

On en a déjà tellement lu, vu et entendu sur ce gourou en culottes courtes qui se prétend un Jésus sans stigmates ni auréole, qu'à vouloir faire la pige aux bigotes, on risque fort de finir ses jours au fond d'un bénitier. Sans compter que Jésus n'aurait pas le culot de revenir une seconde fois dans la peau d'un métèque. Juif, c'était bien suffisant et déjà pas facile à admettre...

Les mass media aidant, on sait à peu près tout sur lui : qu'il est gros, mafflu, joufflu, bouffi, pas beau et qu'il se fait lécher les pieds par ses adorateurs. Même que ce n'est pas sain pour les suivants. Qu'il s'est marié à dix-sept ans et sans un poil au menton avec une Américaine ; qu'il possède 45 voitures à Denver (Colorado) et autant en Californie ; que ses propriétés sont évaluées à 400 000 dollars chacune, au bas mot (exception faite de cette villa de Highgate, cossue mais sans faste, qui lui a été donnée par un disciple et dans laquelle il ne met jamais les pieds) ; et qu'il fait écrire "Lord" (Dieu) sur sa Rolls blanche de peur qu'on ne le reconnaisse pas quand il voyage incognito.

On lui attribue des hélicoptères et des yachts, des night-clubs, des écoles, des cliniques, des imprimeries, des garages, des coopératives... mais un seul Boeing. On dit qu'il possède à Londres un "Palais de la Paix" luxueux, confortable et presque aussi accueillant que ses gigantesques immeubles californiens. Mais on dit également qu'en Inde, il ne possède pas un clou...

La MLD connaît, depuis quelques années, un indice de progression étonnant. Ainsi possédait-elle, en 1970 (année de la proclamation, à Delhi, de la "bombe de la paix" par laquelle gourou Maharaj ji, âgé de treize ans, prend officiellement la succession de son père, Sri Hans Ji Maharadj, à la tête du mouvement et décide de son exportation a l'étranger), 4 adeptes en tout. En 1973, on en compte 40 000. Aujourd'hui, la mission aurait dans le monde huit millions d'adeptes, répartis en 55 pays et sur les 5 continents. Ces missions sont dirigées par 8 000 mahatmas (instructeurs), d'origine exclusivement indienne et formés par le maître lui-même. La France possède environ 2 600 disciples dont 1 200 membres actifs et 100 pensionnaires vivant en ashrams. La présidence du groupe est assurée aux Etats-Unis par Bob Mishler et en France par Remy de la G. Au sommet de la pyramide règne Prem Pal Singh Rawat, mieux connu sous son nom de gourou Maharaj-ji, marié avec Marolyn Johnson, alias Durga ji et père d'une petite Premlata ("Vigne d'Amour") toute récente.

Le mouvement se fait connaître grâce à une abondante publicité verbeuse véhiculée par des organes mensuels de qualité : Actualités divines, Et... c'est divin, Premies (en anglais), Lumière divine, Ici et maintenant, Ondée de grâce...

La rumeur populaire prétend que gourou Maharaj-ji vide les bancs des catéchismes et détourne les bailleurs de troncs, qu'il lessive les idées noires de ses premies (disciples ; en sanscrit : amoureux de Dieu) au point qu'ils finissent par ne plus en avoir du tout, enfin, sinistre et bien antichristique grief, qu'il aime les glaces, le chewing-gum, les cacahuètes au chocolat et qu'il le dit. Il ne faut pas croire cependant que les Eglises instituées s'inscrivent seules au rang des calomniateurs bien-pensants. Le sommeil des vilains cafards n'est jamais profond : "Ce sont ses disciples qui paient, s'indignent les dévots de Krishna, il fait pleuvoir les lingots dans ses coffres... " Pour se justifier, ils affirment : " C'est sa Lila, son divertissement divin."

Ceux qui, par extraordinaire, n'ont rien trouvé de désobligeant à dire, allaient il y a peu de temps encore à la Mutualité, accueillir le gourou lorsqu'il venait en France dans un feu d'artifice de trognons de pommes et de mégots. C'etait la fête à la tarte à la crème, au propre comme au figuré.

Heureusement, il y eut le "scandale Moon" qui, pour un temps, détourna l'attention du public sur un linge encore plus douteux. Notre gourou en profita pour revenir en douce à la Mutualité, au début de l'année 1976, poser ses pieds de soie sur un coussinet de même métal. Ses préminettes avaient capitonné un gros fauteuil aux dimensions exactes de son derrière enflé. On fit une fête qui s'appela le "Festival d'Amour", entre soi enfin, sans les gêneurs. Le maître en profita également pour réclamer une redevance de 10 % de leur salaire à ceux de ses disciples qui ne lui avaient pas déjà tout donné. Les premies répondirent d'une seule voix qu'ils lui devaient bien ça parce qu'il leur avait fait "expérimenter l'infini avec leur corps". Le gourou dit merci et que tout cela était très beau. Puis, il entreprit d'expliquer la beauté, dans un langage terriblement "inn" quoiqu'un peu simpliste :

"Nous avons acheté cette automobile et c'est une belle automobile. Elle est belle, belle, belle... Dans les termes d'un saint, nous "flippons" parce que nous ne pouvons pas comprendre ce qui est parfait." Et sa femme, Durga ji, mue par son célèbre sens de l'à propos, d'ajouter, avec un clin d'œil aux phallocrates : "Nous disons : "O Maharaj ji, je t'aime tellement, s'il te plait, laisse-moi seulement te servir." Alors, cela coule, cela devient toujours de plus en plus beau. Cela devient si naturel. C'est vraiment la chose la plus naturelle qu'un titre humain puisse faire..."

La fin de la phrase s'est perdue dans un nuage rose très loin, là-haut, tandis qu'elle s'envolait.

"Elle est assumée", a commenté le gourou, avant de conclure : "Je suis venu pour vous apporter la connaissance et il importe que vous en réalisiez l'importance. Ce n'est pas difficile, mais c'est sur qu'en même temps, c'est très difficile, croyez-moi. Néanmoins, d'un autre côté, cette connaissance est la chose la plus facile qui soit. Plus la question est grande, plus la réponse est petite et vice versa. Eh bien, il s'agit d'une très grande question, la réponse est donc très courte. Et c'est cette connaissance"...

Facile.

"Réalisez, essayez de comprendre, parce que cette connaissance est très, très belle. Comment puis je vous dire à quel point elle est belle ? Il n'y a pas de description. Mais cette connaissance est magnifique, elle est extrêmement belle ! Et elle est ici pour que nous la comprenions, pour que nous la réalisions. Alors réalisez-la, parce que ça dépend entièrement de vous" ...

Durga ji, miraculeusement revenue sur le sol, eut le dernier mot : "Oh oui-oui-oui, c'est tellement parfait et tellement beau, c'est beau-beau-beau !"

Un mahatma initie personnellement chaque candidat sitôt que celui-ci a donné des preuves - parfois matérielles - de sa sincérité. Le méditant peut alors être admis à la connaissance. Il apprend que la lumière éclate comme un soleil entre ses deux sourcils, à l'emplacement de son troisième œil et qu'il peut très bien la voir s'il "retourne ses sens à l'intérieur". Il verra simultanément des "dessins géométriques qui vibrent très fort avec de la lumière dans des losanges entrecroises... des visages... Gourou Maharaj-ji avec ses anges (sic)..."

Dans un second temps, le premie entendra I'harmonie par l'oreille droite (la gauche ne "reçoit" pas la musique céleste) : d'abord des cloches, puis le métro, puis un tremblement de terre... ensuite, une flûte indienne très douce (opinion d'adepte)... Alors, monte, le long de son épine dorsale, comme un serpent de feu, une coulée tiède qu'il appellera le nectar : "Le nectar divin contient tant de vérité que, lorsqu'il coule en nous, l'homme en devient intoxiqué. Ce n'est ni du vin ni du kirsch, ni de la bière, mais c'est la boisson qui a été créée par Dieu et qui coule à l'intérieur de nous !"

Une fois initié, le nouvel adepte, devenu premie à part entière, n'a plus que l'embarras du choix : travailler au-dehors, en versant son salaire à la mission, ou vivre en ashram où il œuvrera bénévolement pour le bien-être de l' "abâtard" divin : imprimerie, dessin, coopérative, artisanat, manutention, secrétariat, récupération et revente de fripes et de déchets de greniers... Les occupations ne manquent pas. En échange, tous pourront participer aux satsangs (témoignages collectifs) et aux mille divertissements prévus par l'ashram. Voici un aperçu de quelques réjouissances régionales :

- Marseille : "La joie éclate : les premies se lancent de l'eau colorée avec des pistolets à eau et des bouteilles de fli-tox (sic). En tout, 150 litres. Une bataille très belle, comme une fleur qui éclate, s'amorce : Mahatmaji est très visé et très coloré."
- Mulhouse : "Bataille de farine..."
- Nantes : "Très chouette ! ! ! 160 personnes sont venues. De la bonne musique dévotionnelle..."
- Toulouse : "Aspersions mystiques : les disciples se sont jeté de l'eau parfumée. Ils avaient loué, à cette occasion, une villa en pleine campagne..."

En définitive, on ne vous demandera rien d'autre : un peu de temps, un peu (ou beaucoup) d'argent et une grande candeur.

"Infantilisme, navrante pauvreté de contenu, abandon de sens critique", brament les jésuites.

Le gourou s'en soucie peu. II n'en reste pas moins qu'il est pour ainsi dire seul de son espèce à ne pas marteler les crânes avec le goupillon de sa doctrine. La raison en est simple : de doctrine, il n'en a guère. Ni Dieu, ni dogme, ni évangile, ni prières, ni religion, ni rite, ni rien. Inutile puisqu'étant Dieu, il porte tout en lui. Il n'aime même pas qu'on en parle. Il ne faut pas revenir sur les choses entendues. Le médecin ne vous répète pas indéfiniment "Oh, votre doigt est coupé !", il vous soigne, tend sa sébile et passe au suivant. Gourou-Dieu, en vérité ne fait rien d'autre.

Aujourd'hui, les petits technocrates qui dirigent les ashrams de la Lumière divine, en France, ne veulent pas trop parler non plus de la connaissance. Au demeurant, bons administrateurs, bons coordinateurs, miraculeusement récupérés de la drogue, de la contestation, du chômage et de l'anarchie pour se donner corps et âme à ce dont ils rêvaient déjà en Mai 68 : paperasserie et bureaucratie, ils semblent à leur affaire. Ils s'enfouissent dans leur fauteuil de cuir, triturent les touches de leur supertéloche ou de leur téléphone et pianotent d'un doigt impatient sur le verre fumé de leur bureau. Ils ont les yeux responsables et le front barré d'un pli soucieux. Ils parlent du nectar avec le même sérieux que d'autres du pétrole. Pourtant, on peut se demander s'ils y croient encore tellement, aux boniments de leur gourou ou aux pleurnicheries débilitantes de leurs coadeptes et si ce message insensé trouve encore le chemin de leur ordinacœur. Ils établissent des plans d'action quinquennale à rendre jaloux un général de brigade, des statistiques et ne défoulent même pas leur libido dans le corsage de leur secrétaire : ils ont fait vœu de chasteté.

Au reste, si leur serpent intérieur n'est pas vraiment monétaire, leur franc-parler flotte, bizarre parfois, entre deux mots... Leur mot d'ordre pour l'immédiat : repli sur soi, réorganisation. "Nous devons former des structures solides. Nous avons eu des problèmes : tiroir-caisse fantôme, moralité bidon, laxisme à tous les niveaux... mais à partir de l'an prochain, nous allons repartir sur de bonnes bases, former de vrais premies, aller de l'avant, étendre au monde entier le message de l'être humain le plus sacré de la planète, celui qui a dit : "Remettez les rênes de votre vie entre mes mains et je vous délivrerai de vos souffrances... écoutez-moi... prosternez-vous devant gourou Maharaj-ji... si je vous demandais de vous couper la tête pour gourou Maharaj-ji, vous devriez le faire et la lui offrir sur un plateau. Vous devriez sacrifier chaque goutte de sang à gourou Maharaj-ji... "

"Mégalomanie ", disent les jésuites.

Hélas, la tâche ne promet pas d'être facile, s'il est vrai que Mataji, la divine mère du dieu-vivant, a désavoué publiquement son fils sous prétexte qu'il vivait comme un play-boy, avait des Boeing et une femme de caste inférieure... Et si, de son côté, Sri Bal Bhagwan ji, son frère aîné, prend le large avec toute une armée de premies pour fonder sa propre dissidence. Il dirigeait jusqu'à présent la Divine United Organization (DUO) chargée de la propagande divine... Le saint torchon brûle-t-il dans la famille Ji ?

Si c'est le K, le gourou prendra du plomb dans l'L avant longtemps. Mais l'important, comme il dit, reste qu'on s'M, qu'on chasse la N et qu'on se jette à l'O pour instaurer coûte que coûte la P. Et surtout, mais alors surtout, qu'on ne parle plus jamais de Q. C'est le privilège des dieux.

En attendant cet heureux jour, l'avènement du millenium de Bonheur et de Paix, les premies mangent de l'herbe et du riz complet. Le gourou préfère les ortolans et les administrateurs la compression de personnel, la classification d'ashrams en catégories A, B, C, la centralisation, la formation de cadres gestionnaires, l'administration de bureaux régionaux, nationaux, internationaux, cosmiques...

Association non confessionnelle, qui les contredira ? Et si "là ou deux ou trois sont rassemblés en son nom, Gourou Maharaj-ji est au milieu d'eux", c'est parce que le temps est venu de construire sur le cadavre du vieil homme qu'on a eu tant de peine à tuer, les fondements d'une nouvelle conception de la divinité...

"Plagiat", grincent les jésuites.


© Tchou, éditeur, 1978.

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