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Reproduction
avec l'autorisation du magazine Combat |
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En France et sur tous les continents, les mouvements sectaires ne cessent de faire la Une de l'actualité, notamment à l'occasion de drames meurtriers. Cependant, les mouvements sectaires sont loin d'être toujours violents : bien des organisations ésotériques se développent aujourd'hui, qui font appel à la concentration, à la méditation, au pouvoir de soi sur soi. Quelle est leur dangerosité ? En quoi posent-ils problème à la société, au politique et à la citoyenneté ? L'objet de cette première partie est de s'interroger sur cette aliénation dont il est trop facilement admis qu'elle serait spécialement néfaste quand d'autres sont passées sous silence. A l'occasion des débats sur la pénalisation des activités sectaires sont posées en fait des questions essentielles sur le contrôle social, d'où qu'il vienne et quelles que soient les assises de sa légitimation. Comme la diabolisation des usages de drogues, celle des mouvements sectaires est un échec. Elle aussi renvoie les adeptes à la clandestinité au lieu de faire place à la parole et de développer une réflexion collective sur la quête d'un autre quotidien ou d'une autre identité. Elle ignore l'emprise des mouvements sectaires sur une part croissante de citoyens, refuse de voir que l'effondrement en cours des valeurs collectives et des modes de socialisation traditionnels se traduit de plus en plus souvent par une indifférence aux moyens traditionnels d'exercer sa citoyenneté. Tout cela n'amène nullement à négliger la dangerosité des sectes mais à considérer en quoi elles sont une réponse à des besoins, parfois existentiels, des membres de toute société : une réponse qui, bien souvent, trompe et avilit, une réponse synonyme de temps gâché et de relations humaines appauvries, une réponse finalement encore plus aliénante, souvent, que les aliénations dont elles prétendent nous débarrasser. Il semble indispensable de gratter au-delà du vernis consensuel qui, lorsque des drames surviennent, ne manque pas de nous rassurer et de nous laisser croire que nous n'avons à gérer que quelques égarements passagers ou marginaux. Si les sectes nous font peur et si nous avons tellement besoin d'entendre qu'il faut s'en protéger et en protéger nos enfants, si la volonté d'en débattre publiquement n'aboutit jamais, c'est peut être parce que nous aurions alors à reconnaître que les mouvements sectaires existent et perdurent parce qu'ils répondent à des aspirations que notre société, elle, est incapable de satisfaire. Au fond, ne s'agit-il pas de constater les dysfonctionnements majeurs de notre société, incapable de proposer une vie épanouissante à une part croissante des citoyens ? La réprobation morale ne pourra jamais réfréner le désir d'être bien, la recherche du plaisir. Elle pourrait seulement se muer en proposition totalitaire : enfermer tous ceux qui s'écartent du droit chemin. Dans une secte ?
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Aliénation
sectaire et contrôle social : Peut-on
parler des sectes autrement qu'en formulant un jugement
moral ? Quels pourraient être les fondements d'une
approche politique du phénomène sectaire ? Il
faudrait à la fois être capable de dire ce
qu'est l'aliénation sectaire et proposer une
visée émancipatrice pour lui faire face. En quoi le discours et les pratiques sectaires se distinguent-elles des discours religieux ou même d'un engagement militant quelconque ? Les réponses des politiques, des organisations anti-sectes et des intellectuels divergent. Les uns mettent l'accent sur la dimension "totale" de l'engagement dans une secte. Ils sous-entendent une différence de nature avec l'engagement religieux classique. D'autres affirment au contraire la ressemblance entre l'investissement d'une nonne auprès du Christ dans un couvent et celui d'un adepte consacrant sa vie à un Gourou. Y a-t-il donc une différence de nature entre ces engagements ou seulement une différence de degré ? Les témoignages habituellement médiatisés montrent bien sûr que les groupes sectaires profitent financièrement et, parfois, physiquement, de leurs adeptes. Que ceux-ci sont parfois fanatisés. Que des abus terribles sont commis dans des groupes secrets, à l'abri de tout contre-pouvoir et des contrôles officiels. Mais l'on peut rétorquer que les fanatiques sont peu nombreux, les abus marginaux et les personnes "volontaires". Dans une secte comme Elan Vital (voir notre enquête en seconde partie), des principes de fonctionnement "démocratiques" sont énoncés, la participation est volontaire, la sérénité est de rigueur. Son Conseil d'administration mise tout sur la normalité : Elan Vital serait une association comme les autres, circulez, il n'y a rien à voir. Il est insuffisant, face à ces stratégies de banalisation, de se contenter de rappels sur l'histoire de tel ou tel mouvement et sur ses abus. Il faut être capable de dire en quoi ces mouvements posent problème, au-delà des dimensions médiatisées à l'occasion d'un drame. Il faut examiner leurs fonctions dans notre société. Définitions
- Pour qualifier de secte un mouvement se
présentant comme religieux, la Commission
d'enquête sur les sectes de
l'Assemblée nationale a choisi de retenir
les critères utilisés par les
Renseignements généraux : la
déstabilisation mentale, le caractère
exorbitant des exigences financières, la
rupture induite avec l'environnement d'origine, les
atteintes à l'intégrité
physique, l'embrigadement des enfants, le discours
plus ou moins anti-social, les troubles à
l'ordre public, l'importance des
démêlés judiciaires,
l'éventuel détournement des circuits
économiques traditionnels, les tentatives
d'infiltration des pouvoirs publics. Adeptes
- Selon les Renseignements généraux :
en 1995, la France comptait 160 000 adeptes de
sectes (dont 130 000 Témoins de
Jéhovah) contre 100 000 en 1982. Dans la
même période, le nombre de
sympathisants serait passé de 50 000
à 100 000. Selon le rapport de la
Commission, la nébuleuse sectaire comprend
172 organisations mères et 800 "filiales"
(57 mouvements de moins de 50 adeptes ; 80
mouvements de 50 à 500 adeptes ; 23
mouvements de 500 à 2000 adeptes ; 12
mouvements de 2000 à 10 000 adeptes). On
soulignera cependant que le nombre d'adeptes de
certains mouvements sectaires paraît
nettement sous-évalué. Il en est
ainsi de la secte Elan Vital (voir les parties 2 et
3 de ce numéro), classée dans les
mouvements de 50 à 500 adeptes : COMBAT
estime leur nombre entre 1000 et 2000. Vous
avez dit "manipulation mentale" D'autre part, à l'évidence, l'ensemble des démarches faisant appel à une recherche ou une implication spirituelle ne mérite pas d'être combattu : une telle quête relève de la liberté de chacun ; elle est un puissant élément structurant des identités individuelles ; elle est un facteur de socialisation. Reste que cela ne doit pas empêcher une réflexion sur l'ensemble des modes de contrôle social existant dans notre société. On ne voit pas pourquoi les responsables d'un mouvement sectaire seraient poursuivis tandis que les responsables d'une communauté religieuse manipulant ses ouailles à des fins politiques ne le seraient pas. Deux stratégies sont dès lors possibles pour le législateur. Soit il considère que la manipulation mentale est un combat citoyen, qui ne doit pas relever de la justice mais du débat dans la société civile et que d'autres canaux, indirects, doivent permettre à chacun de ne pas recourir à des organisations néfastes. Soit il légifère, en considérant que toutes les formes de manipulation mentale doivent pouvoir être juridiquement combattues, ce qui d'ailleurs n'exclut pas d'autres formes de lutte à leur encontre. L'aliénation
sectaire Dans l'aliénation sectaire, l'adepte est le garant et le responsable de sa propre implication : celle-ci est non seulement consentie mais revendiquée, souhaitée avec passion. Sa force est moins d'instrumentaliser, de l'extérieur, la personne que de lui permettre de créer l'illusion, de permettre l'auto-illusion - dans laquelle il devient possible d'être, à ses propres yeux, sur le chemin de la Paix intérieure ou du bonheur. Il ne suffit pas de renvoyer au retour à la réalité ou de vouloir briser les illusions. C'est faire abstraction du fait que l'aliénation sectaire peut - partiellement ou pour un moment - combler un besoin - "vital" - de sécurité. Cependant, cette sécurité, la satisfaction tirée de l'emprise sectaire ou la gestion d'une angoisse existentielle ont une contrepartie : l'absence de recherche et de construction d'autres alternatives de vie ; le fait de renoncer à d'autres projets possibles. L'aliénation sectaire est l'aliénation à un ordre préétabli, rigide, mais aussi un renoncement à s'inscrire dans le jeu démocratique, fût-ce en participant à des contre-pouvoirs ou en s'inscrivant dans la recherche d'alternatives politiques. Elle ne supporte pas la contradiction. Maîtriser sa vie, décider, ce qui implique d'avoir le choix, suppose au contraire une liberté d'esprit... Au sens propre, l'aliénation sectaire pose donc un problème de démocratie, un problème au politique lorsque celui-ci destine son action à la construction d'une société où chacun soit, à tout moment, aussi maître de son destin que possible.
Le
temps et l'aliénation
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De la non-emprise à la liberté Dans
le conditionnement généralisé des
individus sociaux, lutter contre l'emprise - qu'elle soit
sectaire ou autre - exercée par une organisation sur
une personne ne suffit pas. Terminologie,
définitions À l'origine les définitions du mot secte ne comportaient aucun élément négatif ou péjoratif. Ce serait donc par un abus de langage consistant à redéfinir le sens du mot secte à partir de celui - négatif, péjoratif - du mot sectaire, que ce mot a aujourd'hui le sens exclusif d'objet mauvais, sinon d'objet du mal, destructeur, dangereux et par extension, pour certains, d'objet ennemi à combattre, voire à détruire. Il n'est pas possible de reprendre ce sens exclusif de condamnation et de tenter conjointement de réfléchir le plus objectivement et le moins idéologiquement possible sur ce que sont les "sectes" actuellement. Il convient alors de distinguer le mot secte - que nous maintenons dans ses définitions premières - et la terminologie que nous avons choisie de groupement sectaire. L'objet de notre réflexion sera donc ici les groupements sectaires qui ne se distinguent, par rapport à l'autre, ni par leur neutralité bienveillante, ni par leur lien amoureux passionnel, ni par leur travail dans le but d'aider l'autre à avancer sur le chemin de sa liberté, mais par leur désir de tirer le maximum de profit de l'autre sur le plan matériel (financier) et/ou sur le plan libidinal (génital ou autre). Et comme le groupement sectaire n'est très souvent qu'un objet groupal sous l'emprise du gourou, ses évolutions psychiques et ses agissements peuvent être en prise directe avec l'éventuelle psychopathologie du gourou, et ce jusque dans les cas les plus graves de déliaison pulsionnelle où les passages à l'acte peuvent avoir pour issue la destruction totale de l'autre, destruction parfois acceptée "de leur plein gré" par les adeptes. Ceci ayant été clairement précisé, s'agit-il de faire du sectarisme un délit, voire un crime, ou de prendre en compte efficacement et juger, dans le cadre actuel du Code pénal et civil, les crimes et délits commis par des personnes ou des groupes, quelles que soient leurs opinions ou croyances ? Quels éléments ont déterminé la création d'une organisation gouvernementale de lutte contre les sectes (la MILS) ? Pourquoi la tentative récente de créer une législation spécifique, au risque de provoquer la mise en place de bouc-émissaires, la stigmatisation, l'amalgame et la répression généralisée ? La
notion de manipulation mentale L'analyse du dispositif législatif préexistant avait révélé des insuffisances et inadaptations : soit les infractions réprimées ne concernaient que le cadre religieux - alors que certains groupes sectaires ont investi d'autres domaines - soit la loi ne prenait en considération, du côté des personnes victimes, que le cas des personnes "en état de faiblesse" - alors que "les pressions mentales exercées par les groupements sectaires ne se pratiquent pas la plupart du temps à l'encontre de personnes en état de faiblesse".(3) Pourquoi, sur ce constat, créer un délit spécifique alors qu'il apparaît que certains articles du Code pénal peuvent être modifiés ? "Consciente de la nécessité de mieux coordonner l'action pénale contre les pratiques sectaires, elle [la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme] constate que les faits dont la répression est envisagée sont déjà largement prévus par l'article 313-4 du Code pénal en réprimant particulièrement les abus provoqués par l'ignorance ou la situation de faiblesse caractéristiques de l'état dans lequel se trouvent les victimes des pratiques sectaires. Elle estime que des compléments devraient être apportés : 1. En déplaçant cet article dans le Code pénal pour ne pas concerner uniquement les actes préjudiciables concernant les biens ; 2. En aggravant la répression lorsque le ou les auteurs du délit sont des responsables de droit ou de fait d'un groupement sectaire au sein duquel l'infraction a été commise et qui avait pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités ; 3. En prévoyant la responsabilité de la personne morale. Dans ces conditions, la création d'un délit spécifique de "manipulation mentale" ne nous paraît pas opportune."(4) Ainsi la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme ne propose pas la création d'une loi spécifique, mais l'aménagement d'un - de deux en fait - article du Code pénal par le moyen de trois compléments dont l'un (le 2ème) est spécifique. Les rédacteurs de la proposition de loi qui ont tenté de définir la manipulation mentale ont eu manifestement le souci du pragmatisme et de la précision, sans pour autant se déprendre des contradictions propres à cette question quand on ne la considère que dans le champ sectaire mais avec le souci de ne pas produire une législation spécifique aux groupements sectaires ! En effet, puisqu'il est précisé "au sein d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités" le lecteur en déduira qu'il s'agit de manipulation mentale au sein d'un groupement sectaire mais qu'il faut bien se garder de le dire (!), tout en laissant (involontairement) sous-entendre que la manipulation mentale n'est pas l'apanage des groupements sectaires, ce qui est plutôt gênant quand l'on tente de la définir exclusivement à partir de ce champ sectaire... Et comment cette dernière tentative peut-elle s'expliquer, sinon par le fait qu'elle constitue la mise en forme de la pensée, présente de façon plus ou moins explicite chez plusieurs personnes combattant publiquement les groupements sectaires, que la manipulation mentale est la caractéristique spécifique de ces groupements ? "Il reste qu'il est difficile de définir la "secte" par la coercition et de reconnaître que la secte n'a pas le monopole de la manipulation mentale."(5) "Dans les sectes, la manipulation mentale n'est jamais qu'un outil dont la force repose sur l'existence d'un transfert préalable, reconnu, exploité et encouragé par le gourou."(6) Il y aurait aussi matière à s'interroger sur cette volonté présente d'accompagner une nouvelle action répressive de la définition de nouvelles normes légales. Ici elles concernent l'exercice de la profession de formateur et de celle de psychothérapeute. Sur ce point, remarquons que, si ces tentatives de réglementation aboutissent, elles n'auront pas été portées par le souci de permettre à des sujets humains d'améliorer leur vie (par exemple en contribuant à diminuer le nombre des formations "bidon" et celui des psychothérapeutes n'ayant jamais travaillé sur leur problématique psychique personnelle) mais par la volonté d'accroître l'efficacité de la lutte contre des groupements minoritaires. Manipulation
mentale et manichéisme C'en est d'ailleurs à se demander comment des citoyens si autonomes, à l'esprit critique si développé, peuvent se retrouver sous l'emprise de groupements sectaires... Il se peut qu'il y ait là matière à reconsidérer la notion "d'état de faiblesse"... Peut-être cette vision idyllique - confondant idéal et réalité - procède-t-elle, plus précisément, de la confusion entre autonomies de(s) la pensée(s) et de(s) l'action(s) et individualisme, alors que celui-ci, débarrassé de l'aura idéologique du libéralisme, n'est principalement qu'un égoïsme, un comportement de consommation privée, s'accompagnant le plus souvent d'un désinvestissement de la chose publique, ce que Cornélius Castoriadis appelle privatisation des individus. Il reste qu'il est plus facile de dénoncer la soumission, la passivité et le conformisme provoqués chez les adeptes par le fonctionnement sectaire que de s'interroger sur le degré réel de développement, dans nos sociétés, des valeurs de liberté et d'exercice du sens critique. Conditionnement
du "citoyen" Et peut-être le plus intéressant est, comme nous le fait remarquer Pierre Legendre dans son ouvrage Jouir du pouvoir, que le supposé libre citoyen-électeur ne parle pas. "On le fait parler, bien qu'il soit, par nature, rigoureusement muet. C'est tout le secret de la manutention politique, sous ses diverses formes instituées, de faire comme si le libre-citoyen, infaillible et irréfutable, parlait, énonçant une pensée à lui."(11) Et dans cette manutention, aucune trace de manipulation ou de conditionnement de l'individu social ? Et au-delà du système électoraliste pouvons-nous nous satisfaire du degré de développement du sens critique et de la liberté que permettent : 1. la récupération continuelle de la culpabilité du sujet dans un processus de mise sous contrôle de l'individu social - "citoyen" (processus auquel ce même individu social participe fondamentalement par le développement - inconscient - d'une instance psychique d'auto-contrôle (12)), 2. le détournement, dans un processus de normalisation, des principes moraux introjectés par le sujet au cours de sa constitution psychique, 3. la soumission des "citoyens" à l'ordre étatique, par des procédés agissant de haut en bas de l'échelle sociale et dont certains ont acquis leur propre indépendance de fonctionnement, ayant échappé à la maîtrise des "dirigeants" et se reproduisant indéfiniment depuis la nuit des temps, ayant capté dans leur mouvement à la fois les hommes du Pouvoir qui, quel que soit leur grade, se contentent d'en jouir et la masse des "citoyens" déclarés libres, prise dans des effets de croyance éternelle aux valeurs idéales de l'Etat tout-puissant. Ne peut-on pas parler ici de manipulation mentale ? Manipulation mentale collective axée sur le Pouvoir, où le mot d'ordre, aussi bien pour les quelques qui jouissent de l'exercer que pour les millions qui s'accomodent et jouissent de le subir, semble être gardons-nous bien d'en savoir quelque chose.(13) Démystifier
la non-emprise L'action de tendre vers la liberté n'est pas une croyance, ni un droit. C'est un travail, individuel et collectif. (1)
P. Denis et J. Schaeffer, Introduction, in Sectes,
Débats de psychanalyse, Revue française de
psychanalyse, Paris, PUF, 1999, p.9
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Manipulations,
normes et réalités : La
notion de manipulation mentale fait l'impasse sur les
raisons qui conduisent à des enthousiasmes
débridés, sectaires ou
psychothérapeutiques. "J'estime
qu'un excès d'ordonnances et d'interdictions nuit
à l'autorité de la loi. C'est un fait
d'observation : là où il n'existe que peu
d'interdictions, elles sont soigneusement respectées
; là où à chaque pas on rencontre des
interdictions, on éprouve expressément la
tentation de passer outre." Le religieux, l'éducatif et le psychologique sont l'objet d'une distinction conceptuelle qui ne cesse d'être malmenée par une promiscuité de fait, dont il faut bien admettre la constance - et peut-être interroger la nature. Témoin l'intérêt que la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes a été amenée à porter, au-delà des mouvements sectaires, aux instituts de formation qu'ils secrètent, et de là, à la toujours douloureuse question des psychothérapeutes, et de leur problématique compétence. C'est ainsi qu'elle a été amenée à proposer la reconnaissance d'un "délit de manipulation mentale", désignant les "activités ayant pour but ou effet de créer ou d'exploiter la dépendance psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités et portant atteinte aux droits de l'Homme ou aux libertés fondamentales, d'exercer sur une personne des pressions graves et réitérées afin de créer ou d'exploiter un tel état de dépendance et de la conduire, contre son gré ou non, à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable." Cette proposition, finalement retirée après de nombreux débats, illustre une oscillation moderne autour de la question de l'influence de l'homme par l'homme, qui ne cesse de se répéter, et ne parvient pas à conclure. Il semble difficile de s'entendre sur ce que sont les églises "authentiques", mais aussi les formateurs authentiques, les psychanalystes authentiques, les psychothérapeutes authentiques, etc. Je suis de ceux qui pensent encore que cette incertitude constitue un moindre mal, eu égard aux ravages que susciterait une norme légale. Mais cette position heurte un "bon sens" qui semble désormais faire consensus : elle devient donc difficile à défendre. On mesure ici, parmi tant d'autres signes, combien l'apport freudien, en dépit de ses reconnaissances académiques, demeure étranger à la pensée moderne, qui ne cesse de le détourner pour s'autoriser à l'admettre. Au coeur de ces débats circulaires, il me semble toujours retrouver la même confusion entre réalité psychique et réalité sociale. La première est tissée de fantasme et d'affect, pieusement recouverts par une raison qui se prétend maîtresse d'elle-même. La seconde est tissée de faits objectivables, où la raison scientifique tisse sa loi. La même rencontre n'offre pas du tout le même visage, selon qu'elle est perçue dans la réalité psychique de celui qui la vit, ou dans la réalité sociale de celui qui l'observe. Une étrange obstination de notre époque consiste, au nom d'une certaine idolâtrie scientiste, à exiger que les deux n'en soient qu'une, ou au moins qu'elles se rencontrent sur une soi-disant "réalité" commune, dont la raison fournirait l'aune. La notion de manipulation prétend s'appuyer sur cette réalité commune qui n'existe pas, pour y tracer les frontières de ce que serait l'orthodoxie relationnelle. Hélas, l'influence d'un sujet sur un autre, c'est-à-dire l'influence de sa parole, dépend à part égale des deux protagonistes, et nul ne peut en fournir par avance l'équation. On en est donc réduit à l'observer du dehors, à la recherche des faits qui en objectiveront la forme, mais n'en pénétreront jamais les motifs. Cependant, une influence peut-elle être reconnue comme "gravement préjudiciable" sans avoir été posée comme telle par celui qui s'en estime la victime, avant d'être objectivée dans les grilles que fournit la loi ? Cette condition incontournable constitue le casse-tête auquel semble s'être heurtée la Mission Interministérielle : tout serait tellement plus simple s'il suffisait d'observer du dehors, et de considérer comme "a-normal" celui qui contrevient à cette "raison" externe, c'est-à-dire de nier la réalité psychique au profit de la réalité sociale. Bien qu'elle tente sans cesse de s'éloigner de cette analyse simpliste, elle ne cesse d'y revenir, à travers l'espoir de normes et de labels qui feraient consensus, et "donc" loi. Mais quel consensus miraculeux pourra-t-il jamais objectiver la réalité subjective ? La dimension relationnelle, pour ne pas dire transférentielle, est au coeur du religieux, de l'éducatif et du psychologique, et tisse entre eux un fil bien plus solide que la manipulation dont on les soupçonne. C'est une dimension passionnelle par excellence, absolument déraisonnable, dont il est bien étrange de chercher obstinément les normes. Les raisons du coeur ne seront jamais "contractuelles" que par pur artifice, et les anciens étaient plus sages que nous, qui distinguaient tout à fait les lois du mariage de celles de l'amour. C'est pourtant bien là ce que le corps social semble demander aujourd'hui à la psychologie : une description scientifique, normalisée et définitive du sujet humain, qui permettrait - étrange aubaine ! - de faire son "bonheur". Malgré lui, mais avec "raison". Dès qu'on perçoit l'impasse de la démarche, ou dès qu'on consent à la percevoir, on peut alors envisager le problème en partant non plus de cette réalité psychique à "normaliser" à tout prix, mais du poids progressivement écrasant de la norme dans notre réalité sociale. Plutôt que de chercher toujours plus avant la façon dont l'irrépressible passion humaine peut être réduite au nom de la raison raisonnante, et de viser le "meilleur des mondes", serait-il absurde de renverser la démarche, et d'interroger pourquoi notre société civile, dans son humanisme galopant, génère plus qu'une autre ces enthousiasmes débridés, sectaires ou psychothérapeutiques ? En d'autres termes, la clé de cette régulation est-elle dans l'avènement de l'homme bionique, ou dans la prise en compte du fait qu'à l'instar de l'impôt, trop de loi tue la loi ? On peut s'étonner que cette piste inverse demeure si peu empruntée par ceux qui nous veulent tant de bien, en nous protégeant de tout. Il est vrai qu'il faudrait d'abord reconnaître qu'on s'est trompé de méthode. Et cela, aucun législateur ne semble y consentir, plus de deux siècles après l'abolition du régime de droit divin. Témoins
de Jéhovah
Petits
chefs d'oeuvre de papier, les brochures
des Témoins de Jéhovah font
de la lutte contre la «manipulation
de l'information» une
priorité. Elles donnent bien
souvent l'exemple de la propagande des
nazis contre les juifs, citation
tirée de «Mein Kampf»
à l'appui (dans le document
reproduit ci-contre) : G.A.
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La
lutte contre les sectes : Le
Président de la Mission Interministérielle de
Lutte contre les Sectes aborde les principaux enjeux actuels
du débat sur l'emprise sectaire. Alain
Vivien Ancien
député de 1973 à 1991, Alain
Vivien fut Secrétaire d'Etat aux Affaires
Etrangères entre 1991 et 1992. En 1983, il
fut l'auteur du premier rapport sur «Les
sectes en France». Il fut président du
Centre Roger Ikor / Centre Contre les Manipulations
Mentales (CCMM) en 1997-1998. Le rapport 2000 de la Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes a soulevé quelques polémiques. Pouvez-vous en présenter les grands axes ? Le rapport 2000 de la Mission met l'accent sur les avancées de la lutte contre le fléau du sectarisme en France. Au plan législatif, avec le vote en première lecture de la proposition de loi About-Picard, mais aussi en accentuant la vigilance et en soutenant l'effort d'information des cadres de l'Etat et des collectivités décentralisées. Le rapport attire tout spécialement l'attention sur les activités de psychothérapie et de formation professionnelle qui constituent pour les sectes deux gisements privilégiés d'influence et de ressources. La MILS suggère que ces secteurs soient mieux encadrés. Il préconise la mise en oeuvre d'une régularisation administrative et déontologique de la profession de psychothérapeute et s'agissant de la formation, souhaite que l'accent soit mis sur des actions visant au renforcement de la qualité. Au plan international, le rapport souligne la mobilisation croissante des Etats ainsi que l'évolution favorable aux thèses françaises et attire l'attention sur le risque d'entrisme des sectes dans le monde des organisations non gouvernementales (ONG). Enfin, la Mission a consacré une étude de cas au mouvement anthroposophe, au titre des organisations qui posent question. Elle conclut à la nécessité pour les pouvoirs publics de maintenir une attitude de vigilance soutenue à l'égard des différentes entités qui composent ce mouvement polymorphe. Quelles sont les différences essentielles entre l'approche que vous préconisez et celle des Etats-Unis ? La différence repose sur deux approches de la liberté, affirmées l'une et l'autre par les législateurs du 18ème siècle. En 1791, le Congrès des Etats-Unis a voté un premier amendement à la Constitution par lequel il s'interdisait de légiférer en matière de religion pour être accepté comme tel et bénéficier ainsi de tous les avantages liés à ce statut, économiques et fiscaux. Voire s'abstraire de la loi au nom d'une étrange "immunité convictionnelle". En France, dès 1789, le législateur a souhaité consacrer les libertés fondamentales et en particulier la liberté de conscience. D'où l'article 10 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen : "nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses...", mais le législateur ajoute aussitôt "... pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public". Autrement dit, il ne saurait y avoir de liberté absolue. C'est tout le sens de l'article 4 de cette même Déclaration, "la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui" qui précise aussi que la "ligne jaune" à ne pas franchir est délimitée par la loi à laquelle nul ne peut se soustraire au nom d'une quelconque immunité de conviction, qu'elle soit religieuse ou philosophique. Nombre de sectes multinationales ont leur siège aux Etats-Unis et, fortes de l'ambiguïté de la conception américaine de la liberté, font pression sur les pouvoirs publics des pays où elles sont implantées pour obtenir les mêmes avantages, fiscaux ou autres, que des confessions religieuses qui, elles, ne posent aucun problème d'ordre public. Où en est le débat législatif sur le concept de «manipulation mentale» ? Que proposez-vous ? Il faut tout d'abord rappeler que la proposition de loi About-Picard actuellement en cours de navette entre les deux assemblées parlementaires ne peut être réduite à un seul article relatif à la manipulation mentale. Ce texte voté à l'unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, comporte en effet plusieurs dispositions destinées à adapter l'arsenal juridique existant aux nouveaux défis du sectarisme. Il élargit le champ des infractions à des infractions contemporaines (atteintes à l'environnement, utilisation abusive de l'informatique, etc) entraînant la responsabilité des personnes morales. Il étend la procédure de dissolution civile aux organisations déjà condamnées par la justice pour des faits graves et comporte des mesures quant à la limitation et l'installation de groupes sectaires à proximité d'établissements sensibles. S'agissant du délit de manipulation mentale voté par les députés en première lecture à l'Assemblée nationale, il a été formulé différemment en seconde lecture au Sénat. La Mission se félicite du fait que les sénateurs aient suivi l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), consultée pour avis par le Garde des sceaux, qui confirme le caractère non liberticide de la loi, tout en estimant que la création d'un délit spécifique n'est pas opportune et propose d'améliorer la rédaction de l'actuel article 313-4 du code pénal réprimant l'abus de faiblesse. Les rapporteurs de deux assemblées semblent être tombés d'accord sur une rédaction conforme aux voeux de la CNCDH. Ce texte sera soumis au vote des sénateurs en deuxième lecture. Le nouveau texte déplace l'article dans le code pénal dans une section concernant les atteintes aux personnes tout en le complétant. Il étend le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou d'une faiblesse aux personnes en état de "sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves et réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables". Ainsi est pris en compte le fait que l'adepte n'est pas nécessairement en "état de faiblesse" lorsqu'il entre en secte. La définition même des «sectes» pose de nombreux problèmes, notamment par rapport à toutes les formes d'engagement ou d'investissement dans des organisations. Comment avancer pour permettre la construction d'un consensus citoyen autour de ces questions ? "Une secte est une association, déclarée ou de fait, de structure totalitaire, qui porte atteinte aux Droits de l'Homme et à l'équilibre social". Cette définition, donnée dans le premier rapport de la MILS rendu public par le premier ministre en janvier 2000, marque la préoccupation qui est la nôtre de ne porter aucun jugement sur une croyance ou une idéologie. Seul le comportement d'un mouvement, qu'il soit religieux ou non, est pris en compte dès lors qu'il va à l'encontre du respect de l'ordre public, c'est-à-dire des lois, de la Constitution et des conventions internationales ratifiées par la France comme par exemple la Convention internationale des droits de l'enfant. Ainsi, c'est sous cet angle-là, celui du respect des individus et de la loi, que toute personne peut utilement se poser quelques questions sur le mouvement dans lequel elle souhaite s'investir. Des éléments de réponse peuvent lui être apportés par les services de l'Etat compétents et les associations de défense contre le sectarisme. Ainsi, concernant le secteur de la Santé, elle peut vérifier si telle ou telle organisation est agréée ou, à tout le moins, favorablement connue des autorités compétentes. S'agissant du consensus citoyen que vous évoquez, il est déjà une réalité si l'on en juge les résultats de nombreux sondages sur la question du sectarisme. Un sondage CSA réalisé en février 2000 et publié dans le journal La Vie révèle que 73 % des Français considèrent le sectarisme comme un danger pour la démocratie. Une consultation organisée par Le Figaro en septembre dernier place le sectarisme comme sujet devant être soumis à référendum en troisième position juste derrière la réforme fiscale et les retraites. Ce consensus citoyen génère d'ailleurs des réflexes citoyens comme, il y a quelques mois, par exemple, plusieurs kiosquiers parisiens qui ont vivement réagi contre l'obligation qu'il leur était faite de vendre un nouveau magazine édité par une secte multinationale bien connue. Ce consensus est le fruit d'une indispensable circulation de l'information. C'est ce à quoi la MILS, les institutions ministérielles, les associations s'emploient, avec le concours soutenu de la presse. Dans ce numéro de Combat, notre enquête sur «Elan Vital» révèle un mouvement sectaire dont l'activité était sous-estimée dans le rapport parlementaire de 1995. Qu'en est-il de la surveillance des sectes en France ? Les mouvements connus pour leurs agissements illégaux font l'objet de toute l'attention nécessaire de la part des services de l'Etat concernés. Dans chaque préfecture, il existe depuis 1997 des cellules de vigilance réunissant les principaux responsables des services de l'Etat, ainsi que les délégués d'associations de défense contre le sectarisme localement implantées. L'autorité judiciaire est régulièrement invitée à ces réunions. Un certain nombre d'administrations ont mis en place au plan régional ou départemental selon le cas "un correspondant secte" : c'est le cas notamment du ministère de l'emploi et de la formation, des inspections académiques au niveau rectoral, des directions départementales d'action sanitaire et sociale, de la jeunesse et des sports, des douanes, des services fiscaux et des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, etc. Le rapport parlementaire que vous évoquez est une photographie, à un moment donné, d'un paysage sectaire qui ne cesse d'évoluer. Le problème n'est pas tant celui de la vigilance à l'égard de mouvements dont les agissements sont connus que celui de la connaissance de groupements qui ne seront malheureusement souvent repérables qu'au moment où ils commettent des actes répréhensibles. L'arme essentielle contre les méfaits du sectarisme reste la prévention. Pour prévenir, il faut connaître et donc recueillir les informations indispensables pour analyser le phénomène sectaire : c'est l'une des principales tâches dévolues de la MILS. La prévention constitue évidemment une priorité pour votre organisme. Cependant, certains considèrent qu'il s'agit de donner une information au plus grand nombre, d'autres qu'il faut un travail en profondeur, faisant une véritable place à la parole, auprès des personnes «proches du risque». Qu'en pensez-vous ? Diffuser une information d'ordre général au plus grand nombre n'exclut pas de faire passer des messages plus personnalisés aux personnes directement concernées. Les démarches sont complémentaires et c'est la multiplication des messages, sous des angles différents, à un public plus ou moins ciblé selon les cas qui sera la garantie d'une efficacité. La Mission, les associations dont le contact est permanent avec les victimes, les agents de l'Etat que la Mission contribue à former sont les principaux acteurs de cette prévention, sans oublier le rôle particulier des médias dans leur tâche d'information. Votre mission semble désormais opérationnelle, ce que reflète votre rapport. Qu'en est-il des initiatives concrètes menées par les acteurs possibles de la prévention ? Il est difficile d'être exhaustif tant les actions se multiplient. La Mission prépare actuellement deux guides, l'un destiné aux enseignants avec le concours du Ministère de l'Education nationale, l'autre pour les élus, en collaboration avec l'Association des Maires de France. Des institutions comme les Ministères de la jeunesse et des sports et de l'intérieur organisent régulièrement des sessions de formation destinée à leurs personnels susceptibles d'être confrontés aux réalités du sectarisme. L'Ecole nationale de la magistrature a mis en place une semaine annuelle d'information destinée aux magistrats en exercice qui ne sont jamais moins d'une bonne centaine à y participer depuis 4 ans. La Mission participe à ces stages de formation / information. Quant aux associations comme l'Union nationale de défense des familles et de l'individu (ADFI) et le Centre contre les manipulations mentales / centre Roger Ikor (CCMM), elles contribuent activement depuis 20 ans à la sensibilisation du public. Je tiens à saluer la permanence de leur action en matière d'écoute et d'accompagnement des victimes, de participation à de nombreux séminaires et colloques, de l'édition de matériel d'information comme par exemple l'utile guide juridique destiné aux victimes ou à leur entourage réalisé par le CCMM "La loi vous protège, servez-vous de la loi" ou la vidéocassette proposée par l'Unadfi avec le soutien de la fondation de France intitulée "Vous avez dit sectaire ?". Qu'en est-il des relations internationales de la MILS et de la coordination des efforts des Etats en matière de lutte contre les sectes ? Conformément au décret qui l'institue, la MILS se doit de participer aux réflexions et aux travaux relevant de sa compétence dans les instances internationales. Nous avons pu ainsi constater la prise de conscience par de nombreux gouvernements du caractère de dangerosité, pour les individus comme pour les Etats, de certaines organisations sectaires et de la nécessité d'être vigilant. Nous répondons à de nombreuses sollicitations d'Etats étrangers, souvent dépourvus de législation appropriée et marquant tout leur intérêt à la politique menée par la France, pays des droits de l'Homme, en matière de lutte contre le sectarisme. La MILS note d'ailleurs une évolution internationale favorable aux thèses françaises, en dépit des pressions exercées par les sectes internationales soutenues par de pseudo-organisations non gouvernementales qui leur sont liées. A cet égard, la Mission a alerté les Etats membres des Nations-Unies et les a invités à plus de vigilance lors de l'examen de dossiers de demande d'accréditation ou de renouvellement par les ONG. Les réflexions avancent aussi au sein des institutions européennes, tant en ce qui concerne le parlement de l'Union européenne qu'au Conseil de l'Europe qui réunit maintenant 43 pays. Le 22 juin 1999, l'assemblée parlementaire de cette institution a adopté à l'unanimité une recommandation sur "les activités répréhensibles et non aux croyances, aux idéologies ou aux philosophies. La convergence d'attitudes qui se dessine dans les pays européens ne s'est pourtant pas encore traduite par la détermination d'une attitude commune. C'est l'un des principaux objectifs de la Mission en 2001 que de favoriser une concertation, dans un premier temps antre les pays de l'Union, afin qu'une position cohérente s'élabore en commun et débouche sur la mise en oeuvre de mesures appropriées. Quels sont vos rapports avec les associations anti-sectes ? Leur rôle dans la sensibilisation du public est essentiel. Avec les législateurs, elles sont parmi les acteurs indispensables de la défense citoyenne, c'est-à-dire du combat pour les libertés individuelles et collectives sans cesse menacées par les résurgences totalitaires du sectarisme. Formation
professionnelle «Une
attention particulière doit être
portée au comportement des organismes de
formation, notamment en ce qui concerne les publics
«fragilisés»,
insérés ou non dans le monde du
travail. Un suivi des activités de
développement personnel et de remobilisation
(qui constituent souvent un moyen
privilégié pour les mouvements
sectaires de pénétrer le milieu de la
formation) est désormais
considéré comme indispensable. En cas
de doute sur la conformité des actions de
formation de tel ou tel organisme avec les
finalités qui lui sont assignées et
les principes déontologiques qui s'imposent
à tout organisme de ce type, les services
sont invités à la plus grande
circonspection.» La MILS propose d'aller vers
un contrôle de la qualité globale des
processus de formation, en particulier par le
développement des normes, labels, dispositif
de certification... Source
: rapport 2000 de la MILS
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LA
Femme, LE Gourou et le psychanalyste Petit d'humains se sentait pas bien. Il s'adressait aux autres humains mais le courrier souvent se perdait et ce qui arrivait dans sa boîte à lettres ne le touchait pas... "Oui... oui..." se disait-il..."Oui, c'est bien... c'est bien..." se disait-il encore... Mais il ne s'y reconnaissait pas. Presque pas... c'est-à-dire un tout p'tit peu "qui valait pas l'coup, merde"... Petit d'humains alors essayait de s'adresser à lui, mais ça n'arrivait jamais... Ça partait on ne sait d'où et surtout surtout ça arrivait on ne savait pas... à qui. À QUI ? C'était comme un mouvement, comme un élan, comme un appel. Rien qu'un mouvement. Rien qu'un élan. Rien qu'un appel. Un battement d'ailes sans oiseau. Un message sans émetteur, ni récepteur, comme diraient les poètes. Y avait de quoi être triste, très triste... Vous savez, quand on ne pleure plus, quand il n'y a plus de larmes, que seulement ça coule, coule, coule comme des rivières... Mais Petit d'humains n'était pas triste. Juste dans un coin serré. "Que tous ils ne sachent pas, bon, d'accord" se dit-il un jour... Et il cessa de s'adresser à tous, ça lui fit un peu bizarre dans le ventre... Ce fut tout. Mais ce qui arrivait dans sa boîte à lettres ne le touchait toujours pas... Presque pas... c'est-à-dire un tout p'tit peu "qui valait pas l'coup, merde, merde, merde"... Alors une nuit il s'inventa... un humain qui sait. Et il s'adressa à lui. Seulement, seulement, seulement Petit d'humains ne savait pas qui c'était celui-là et où il habitait celui-là. C'était comme ça. Un oiseau inventé. De la magie, comme diraient les neurobiologistes. Mais ce coup-ci, dans la boîte à lettres, il n'y eut rien, rien, rien. "Merde, merde, merde !" cria-t-il. Les parois de la boîte étaient refermées sur l'Absence, sa main tenait la porte et ne la lâchait plus. Là il y eut un grand mouvement. Une larme est venue. Des larmes venaient. Quelque temps après, le coup de foudre s'abattit sur Petit d'humains et Queen BB Marilyn lui apparut. C'est ainsi qu'elle essayait de s'appeler et tout le monde essayait aussi. Le stade du coup de foudre fut bref. Il fut suivi du stade de la relation sexo-affective passionnelle et réciproque, comme disent les cliniciens. Puis un jour, chez Petit d'humains et Petite d'humains, on entendit quatre mots : "on s'aime plus". "Non, mais c'est... c'est autre chose" dit Petit d'humains, qui avait fait du chemin, mine de tout, mine de rien, avec son Queen BB (1) Marilyn system, comme diraient les francophones. "C'est autre chose... on va apprendre à se connaître... on va construire notre relation... Tiens, j'ai lu un truc super : «Chaque moment est une invitation à poursuivre le voyage». C'est beau, hein ? - Moi y a qu'une chose qui m'intéresse : tomber amoureuse. Y a qu'ça qu'je veux ! - Mais alors t'as qu'à prendre des pilules ! Des roses fluo, des jaunes fluo, des vertes fluo... - Ta gueule, tu comprends rien ! T'es un vieux machin qui fonctionne plus. Casse-toi !" Là des rivières sont venues. Et Queen BB Marilyn fut transformée en sale pute, puis en pauvre conne, puis en petite d'humains et en bons moments vécus tous les deux... Quelque temps après, Petit d'humains-mais-plus-tant-que-ça entendit le chant d'une sirène et El Sombrero Gourroucé lui apparut. C'est ainsi qu'il essayait de s'appeler et tout le monde essayait aussi. "Je suis la Lumière de la Consolation". Le stade de la révélation fut bref. Il fut suivi du stade de la vénération conditionnée, comme disent les criminolosociologues. Puis un jour où la lumière était plus forte qu'à l'accoutumée on entendit la voix du messie : "Encore ! Encore ! Encore !" "Non, c'est d'autre chose qu'il s'agit" dit Petit d'humains-qui-a-grandi, mine de tout, mine de rien, sur le chemin avec son Big Kangourroux system, comme diraient les aborigènes. "J'ai tout donné à Lumière de la Consolation mais c'est fini. Tu ne me vois qu'objet de ta jouissance. Ta richesse et la mienne ne sont pas du même monde. - Misérable vermisseau ! Que le Châtiment Suprême s'abatte sur toi ! Que les Ténèbres t'engloutissent etc... etc..." Et El Illuminissimo Gourroucé fut transformé en gros porc, en criminel, en structure psychotique (paranoïa), en structure perverse et en petit d'humains sans grande importance. Il aurait pu devenir un ennemi. Mais ça ne se passa pas ainsi pour Petit d'humains-qui-a-grandi. Et il garda en mémoire des moments privilégiés vécus à Lumière de la Consolation. Quelque temps après, Petit d'humains-qui-a-grandi se plongea dans l'oeuvre complète de Sigmund Freud. Quand il eut émergé d'une intoxication conceptuelle aigüe, il chercha un humain psychanalyste. Prudemment il se limita aux freudiens orthodoxes, de la célèbre OFF (Organisation de la Fétichisation Freudienne). Il eut des préliminaires dans le cabinet de quatre honorables membres officiels. Ils parlaient comme dans les livres, mais beaucoup moins bien. C'était rassurant certes, mais pas bandant. Il ne se passa rien. Avec le 5ème il se passa quelque chose. Ce ne fut ni le coup de foudre, ni la Révélation, ni la fusion, ni la Grâce. C'était la rencontre d'une attention portée à lui, telle qu'il n'en avait jamais connue. Comme une invitation à poursuivre son chemin d'une manière nouvelle. Plus tard Petit d'humains-qui-a-grandi se dit tranquillement qu'il savait qui c'était celui-là et où il habitait celui-là. Et il y revint régulièrement. Il devint un analysant comme on dit, mais surtout un peu plus lui-même. Puis petit à petit il prit conscience qu'il n'avançait plus. Et il le dit. Le 5ème psychanalyste ne pouvait pas se cramponner à un fauteuil du maître qu'il n'occupait déjà plus depuis longtemps. Un jour, avant les vacances, alors que Petit d'humains-qui-a-grandi demandait la date de reprise des séances, il s'entendit répondre : «À la rentrée, vous vous voyez à cette place ?» Petit-humain est parti. Petit-humain poursuit son chemin. Parfois dans son sommeil il rêve qu'il est un oiseau... (1) Prononcer beabea Les
sectes à l'assaut de la
santé L'homéopathie
ou la naturopathie seraient-elles des
médecines psychosectaires ? Ces questions
ont été ouvertement posées par
quelques experts officiels ès sectes. Que
penser alors de l'Alliance universelle, du
Mouvement raëlien, de la Scientologie, de la
Fraternité blanche universelle, des
Rose-Croix... ? Pour
Paul Ariès, politologue, spécialiste
des sectes, de la pédophilie et de la
mal-bouffe, le risque existe : il tient à la
déshumanisation actuelle de la
médecine au nom du culte de la
toute-puissance, au nom des impératifs
économiques du marché. Les sectes
profitent de cette situation générale
pour avancer leurs thèses : elles
pénètrent la médecine
officielle, qui compte déjà plus de
3000 inféodés ou recruteurs. Elles
sont parties à l'assaut de la
médecine pour passer en contrebande leur
idéologie. Elles
sont dangereuses mais pas seulement pour la
santé physique de l'homme, car elles
recyclent, en douce, des idéologies qui
flirtent avec certains courants d'extrême
droite. L'auteur défend une
nécessaire alliance entre les partisans de
la médecine officielle et ceux des "autres"
médecines pour promouvoir des valeurs
communes : l'égalité, l'humanisme.
Car si le pluralisme thérapeutique est
souhaitable, il ne s'agit pas de faire le lit des
idéologies extrémiste. Les
sectes à l'assaut de la santé, Paul
Ariès, éditions Golias, 69
francs.
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