"A Little Somethink"
par John Macgregor.

Index des messages de John Macgregor



En septembre 2002, un mois après la publication de son article dans la presse australienne, John Macgregor a publié la version originale de l'article, sans les coupures, sur le forum anglophone.

Voici donc la traduction de ce texte, précédé de sa présentation.


Bonjour tout le monde,

L’histoire que j’ai écrite pour les journaux australiens était beaucoup plus longue que la version qui a été publiée. Les ‘coupes’ comprenant des passages intéressants, je me suis dit que je pourrais les réintégrer et publier ici la ‘version étendue’ de cette histoire – plutôt que de la voir partir à la corbeille.

La version d’origine fait 10.000 mots. A cause du remontage, le résultat est un peu désarticulé et décousu.

A propos de la version publiée:

Je n’ai reçu aucune critique cohérente de la part des premies, si ce n’est deux messages très polis – de Glen Whittaker et d’un ami premie – qui discutaient quelques points. Après quelques échanges avec eux, j’ai fini par admettre une erreur factuelle – j’avais dit qu’Amaroo a une salle de 1 million de dollars, alors que mon ami premie m’assure qu’elle n’a coûté que 600.000 dollars australiens (bien que cette somme ne comprenne pas les intérêts sur les prêts grâce auxquels la salle a été construite, ni le prix du travail bénévole des premies). Je m’en excuse donc et corrige ce point.

Le communiqué de presse d’EV, disant essentiellement que mon article ne contient que des mensonges, est tellement peu crédible que ça ne vaut pas la peine d’en discuter ici. (EV a dit aux journaux de Brisbane que j’ai été manifester à la porte d’Amaroo !)

Il y a un point pour lequel j’ai éprouvé quelque sympathie pour EV, c’est lorsqu’ils ont été obligés de nier que Maharaji avait mis en loterie une série de radiographies dentaires de sa mère. Cette affreuse calomnie est née lorsque le ‘Courier Mail’ de Brisbane a extrait (sans mon autorisation) un petit bout de mon article – les premies australiens avaient mis en loterie une série de radios de Mataji pendant les années 70. Tout comme dans la plupart de leurs articles, le Courier Mail a tout déformé – disant que Maharaji avait personnellement mis ces radios en loterie.

D’après ce que je sais, cet article a aidé un couple de premies à partir, mais je suspecte qu’il a laissé la vaste majorité des premies indifférents – ils y repenseront plus tard.

Mise à part la réponse de ceux qui sont partis, les plus gratifiantes me sont parvenues de non-premies. La région dans laquelle je vis, (Byron Shire, sur la côte est de l’Australie) a toujours eu une forte densité de premies. Il y a donc une quantité incroyable de personnes qui ont eu à faire à des premies durant toutes ces années, en affaire, en amitié, et dans des relations amoureuses. (Ce qui veut dire, incidemment, que je ne suis pas prêt de répondre à la question: ‘Si la chose dont les premies parlent est si fantastique, comment se fait-il qu’ils fument tant de H ?’)

Beaucoup de ces personnes m’ont contacté depuis la publication de l’article, exprimant le soulagement de constater que ce qui a toujours été évident pour eux – la mission de Maharaji est une entreprise de gangsters – est publiquement dénoncé.

Il m’a fallu trois mois de travail pour préparer mon article, deux mois de recherches et cinq semaines d’écriture. La version publiée est parue dans ‘Good Weekend’ – le magazine couleur partagé par ‘The Sydney Morning Herald’ (Sydney) et ‘The Age’ (Melbourne). Il est paru deux semaines plus tard dans ‘Weekend Extra’, le supplément hebdomadaire de ‘The West Australian’. Ce sont les trois plus grands journaux d’Australie, l’article a donc été distribué à 1 million d’exemplaires - c’est à dire qu’il a été lu par près de 3 millions de personnes.

Si la tactique de Maharaji n’avait pas été aussi indécente depuis un an ou deux – le site CAC, laisser impunément filer Jagdeo (sans parler de la soi-disant procédure civile contre lui), les attaques judiciaires contre des ex-premies – j’aurais simplement laissé tomber pour travailler sur d’autres sujets. Parce qu’il aurait pu agir à ce propos et qu’il ne l’a pas fait, j’ai senti qu’il méritait plus que jamais une dénonciation publique.

L’autre raison pour laquelle je publie la version longue de cet article, c’est pour montrer le travail que j’ai effectué. Il y a un premie qui m’a dit que j’avais du passer un après-midi à ramasser des documents sur EPO, et à les ficeler pour en faire un article. J’ai fait 60 brouillons de cet article. A l’exception de celles de Maharaji (dont la dernière rencontre avec les médias date de 1973 ?), et de celles de Mishler (décédé en 1977), toutes mes citations proviennent de personnes que j’ai interviewées personnellement – par email, par téléphone, et/ou face à face. Citer toutes les sources de chaque histoire aurait alourdi inutilement le récit, bien que 2 à 6 personnes m’aient très souvent donné la même information.

J’ai même vérifié les histoires qui étaient déjà sur EPO, et elles ont été enrichies par leurs sources. Ma facture de téléphone relative à cette affaire se monte à près de 200 dollars, et après en avoir terminé, j’ai mis plus de 400 emails à la corbeille.

Pour la version qui a été publiée, le texte de plus de 10.000 mots a été réduit à 3920. Mes amis et des personnes étrangères m’ont beaucoup aidés dans ce travail, et m’ont fait beaucoup de critiques constructives. Ne sachant pas qui a envie d’être cité et qui ne le souhaite pas – je les remercie tous: ils se reconnaîtront.

Je suis un peu embarrassé par le fait que beaucoup de matériaux constituant cet article sont liés à mon propre parcours – mais c’était un souhait de mes éditeurs, je les ai donc laissés. Il y a aussi pas mal de réflexions psychologiques et philosophiques, certains les aimeront, d’autres pas. Faites le tri.

Comme je l’ai dit plus haut, cette ‘version étendue’ est parfois décousue, et il y a des répétitions: c’est dû au fait que j’ai remis beaucoup de parties supprimées dans le texte définitif.


Guru story

par John Macgregor

"Comment savoir que vous avez été
avalé par un lion ?" - Carl Jung

Pour moi, cette question est gravée en nous.

La preuve la plus ancienne, c'est un autel sacrificiel retrouvé en Allemagne. Il est vieux de 350.000 ans peut-être, et il fut érigé par les ancêtres immédiats d'Homo Erectus. Des dizaines de milliers d'années avant qu'arrive l'Homo Sapiens, ces proto-humains se prosternaient devant des fantômes qu'ils invoquaient dans leur imagination ancestrale.

Ce n'est qu'une éternité plus tard que nous avons commencé à confectionner des vêtements et apprendre à pêcher. Au commencement furent nos non-existants compagnons de voyages.

Leurs fantômes étaient encore présents en 1980, lorsque je me suis rendu compte que l'OPEP avait déclenché une crise pétrolière, que les joueurs de cricket n'étaient plus vêtus de blanc, et que quelqu'un du nom de David Bowie était devenu très célèbre. Mon absence durant les années 70 avait beaucoup de rapport avec une incarnation adolescente de Dieu nommée Guru Maharaji. Il avait décampé du nord de l'Inde avec sa mère et ses trois frères - également de grandes incarnations, bien que d'un rang inférieur - pour s'établir à Malibu Beach, dans le sud de la Californie, dans notre monde occidental.

Maintenant, 30 ans plus tard, après une succession de scandales de mœurs et de scandales financiers, la plupart des "premies" de Maharaji - c'est à dire ses disciples - l'ont abandonné. Mais en 1972, le garçon grassouillet de 14 ans m'avait persuadé qu'une expérience divine m'attendait si je recevais son initiation, baptisée "Connaissance" - comme il disait, basée sur quatre techniques de méditation secrètes.

De vieux amis de la Geelong Grammar, où j'avais été à l'école primaire, m'avaient parlé de Maharaji en Septembre 1972. Et au début du mois d'Octobre 1972, je me suis retrouvé en voiture sur le Hume Highway, avec un groupe de ses "premies" - un mot hindi qui signifie "amoureux" - que j'avais rencontrés dans leur ashram de Carlton, en route pour aller écouter Maharaji qui devait parler à Sydney.

Mes compagnons de voyage m'impressionnaient par leur euphorie. L'un d'eux me tuait de son discours sur mon "troisième œil" qui allait sûrement s'ouvrir, disait-elle, si j'étais suffisamment pur.

(J'avais entendu parler du troisième œil grâce à Lobsang Rampa. Il s'est avéré par la suite que Rampa était un plombier britannique nommé Cyril Hoskins - mais personne ne le savait à cette époque, et il fut un 'lama' immensément célèbre.)

Un écossais au crâne rasé a médité sous une couverture pendant les 12 heures du voyage. A l'autre bout de la banquette arrière, une fille de la Caste des Chevelus, avec un visage d'ange préraphaélite, chantait comme un ange et semblait ne pas avoir de petit ami.

L'intoxication était lente. Quelqu'un m'a donné un exemplaire du magazine Divine Times publié par la DLM - la Divine Light Mission, l'organisation de Maharaji. (Tout ce qui se rapportait à Maharaji était divin ou saint. Le réseau de vente d'objets de récupérations de la DLM s'appelait 'Divine Sales' [Ventes Divines], et sa famille, la 'Sainte Famille'.)

Nous roulions vers le nord, et je lisais les mots de Maharaji: "Si vous venez à moi avec un cœur sincère, vous recevrez cette connaissance spirituelle très ancienne. Et si vous la pratiquez, elle vous procurera la paix".

Son anglais était beaucoup plus indirect, comme j'allais bientôt le découvrir, mais son éditeur était diplômé d'Oxford. Venant d'une personne qui avait six ans de moins que moi, c'était une déclaration impressionnante. Qui était donc Maharaji ?

"Toutes les oreilles devraient entendre que le sauveur de l'humanité est arrivé !" avait-il proclamé. "Lorsque les êtres humains oublient la religion de l'humanité, le Seigneur Suprême s'incarne ... Si vous voulez donner votre dévotion, donnez la au gourou."

En comparant cette offre aux autres possibilités, (me consacrer au droit ou à la comptabilité, par exemple), je me suis demandé si c'était une mauvaise idée.

Les premies ne mangeaient pas de viande, et nous nous demandions comment nous allions trouver de la nourriture végétarienne sur la route de Sydney. Arrivés à Albury, la première chose qui nous est apparue fut un magasin d'aliments de régime - une rareté en 1972. "Maharaji ! Tu es incroyable !", se mirent à crier mes collègues. Quelques heures plus tard, nous sommes tombés en panne d'essence dans un quartier désert de Yass. Une camionnette de dépannage est apparue quasiment immédiatement. "Oh, merci Maharaji !" dirent en chœur mes compagnons de voyage, lorsque le chauffeur fut reparti.

Les gourous composent leurs charmes, et les disciples font du bon travail les uns pour les autres. Le temps d'atteindre Sydney, et j'étais bien parti pour le grand soir - le 6 Octobre - où le pourvoyeur de toute cette magie allait s'adresser à nous, au Lower Town Hall de Sydney.

Ce soir là, la salle était comble, et des centaines de personnes ne purent entrer. Maharaji passa rapidement sur un chemin de pétales de roses pour atteindre son trône au milieu de l'estrade. Il examina l'auditoire d'un œil que je trouvais fuyant et calculateur. (On m'expliqua plus tard que, comme il était parfait, il nous renvoyait le reflet de tous nos défauts.) Une foule de premies plongea au sol devant lui, à plat ventre.

Maharaji parla - d'une manière parfois obscure, souvent de manière répétitive, mais toujours plein de confiance en lui - de l'expérience divine qui m'attendait si je recevais sa Connaissance. Rangés comme des séraphins sur les sièges qui m'entouraient, ceux qui avaient reçu la Connaissance semblaient être les personnes les plus calmes et les plus heureuses que j'avais jamais vu.

Depuis ma naissance, le christianisme omniprésent avait été le seul produit à ma disposition. Son idole était, ma mère me l'avait dit, un vieil homme secret qui faisait chanter les oiseaux que je voyais de ma fenêtre.

A la recherche de son bureau, j'avais vainement observé les oiseaux. Je savais ce que tout le monde savait: cette personne était le créateur du monde, et les meilleures personnes de toutes les époques l'avaient servi. Pour être heureux et rejoindre les élus, je devais faire de même. Et il était très probable que tout le monde devrait faire de même pour être sauvé.

Aussi loin que je me souvienne, le hasard avait été mon ennemi; je désirais par dessus tout que tout soit maîtrisé. Maharaji offrait le totalitarisme qu'un adolescent pouvait souhaiter. Et dans la syntaxe tourmentée et torturée de son message, je discernai graduellement le message tant attendu depuis la fin de mon enfance: la vie n'était pas soumise au hasard.

-------------------------------

C'était une époque sinistre - Nixon, le Vietnam, la guerre froide, et nous étions des idéalistes. Nous étions intelligents - ceux qui rejoignent les sectes sont au dessus de la moyenne, si l'on en croit les enquêtes - mais pendant deux ou trois ans, nous avions été pénétrés du conseil avisé que l'esprit critique est d'un usage limité. "Ressentir" était ce but dont il est question dans la vie. Maharaji, avais-je lu, supportait cela en claironnant les louanges de "l'âme" ou du "cœur". Il s'insurgeait contre le "mental" - qui allait soi-disant nous tromper, nous mentir et nous conduire directement en enfer.

"Le Guru ne nous traite pas comme un père ou un ami" avait-il dit, "mais comme des enfants, des enfants".

Dans ce jeune auditoire, beaucoup étaient à la fin de longs et malheureux parcours, et les remèdes de la contre-culture avaient déjà échoué pour eux. Nous étions cependant trop immatures pour assumer notre propre valeur et celle de nos jugements, préférant les projeter sur un sage personnage extérieur à nous, afin que la chaleur de la "connaissance de soi" ne nous consume pas trop vite.

L'année dernière, un des prémies de Maharaji de cette époque écrivait :

"Peut-être était-ce une astuce pour vendre le jeune gourou indien dans les pays occidentaux, alors que tout le monde en avait assez du monde adulte et rigide dans les années 70. Comment remettre en question les paroles d'un enfant ? Cela plaisait à l'enfant a l'intérieur de tous les jeunes chercheurs perdus, mais aussi, bizarrement et même d'une manière perverse, établissait un enfant au rang de père suprême. Un mélange séduisant".

C'est l'histoire freudienne de l'éducation, et le phénomène presque irrésistible par lequel la foule finit par vous persuader. Avoir un gourou implique l'acceptation de son mythe, mais également celle de son propre mythe. Cela demande quelque action, et c'est ce qui est appelé maintenant la "modification du mode de pensée" - ce en quoi il s'est avéré que Maharaji et ses mahatmas omniprésents étaient passés maîtres.

Tout comme les phénomènes d'hystérie collective, personne ne comprend pourquoi ils se sont produits. Maintenant, ça semble complètement idiot. Une fois que vous en êtes sorti et que vous examinez le phénomène à la loupe, vous ne pouvez pas vraiment expliquer pourquoi vous êtes entrés dans une secte. Ce dont je me souviens avec certitude, c'est que nous aspirions ardemment et profondément à quelque chose de mieux - et que c'était focalisé entièrement sur la venue hautement improbable d'un messie dans les pays occidentaux.

-----------------------

Même aujourd'hui, bien longtemps après les années 70, l'irrationalité nous entoure et nous pénètre. (Un tiers des gens fument, et le monde libre est dirigé par un nigaud.) Mais nous avons horreur que ça se présente d'une manière non familière.

Comment se fait-il qu'on puisse adorer une personne qui est, aux yeux de tous les autres, un imposteur manifeste ? Il doit y avoir un rapport avec la Théorie du Handicap dans la Sélection Sexuelle de Zahavi, que Richard Dawkins a intelligemment appliquée aux fous de religions: "C'est comme si la personne qui a la foi acquiert du prestige en réussissant à croire des choses encore plus impossibles que celles que leurs rivaux ont réussi à croire."

Ca peut sembler tiré par les cheveux. Mais en 1973, Rennie Davis, premie et célèbre activiste anti-guerre, a dit: 'Soit Guru Maharaj Ji est réel, soit il s'agit de la plus grande imposture de tous les temps.'

La même année, on a demandé à Tim Gallwey, auteur mondialement connu du livre "The Inner Game of Tennis" - et qui est aujourd'hui un des plus proches disciples de Maharaji, et un entraîneur d'équipes de travail qui a un énorme succès - pourquoi il croyait que Maharaji était Dieu, et non un véritable escroc. Il répondit: "Un bon escroc ne porterait pas une montre en or et il ne donnerait pas des réponses aussi stupides".

La théorie de Zahavi tient toujours.

Le cinéma d'aujourd'hui a réinventé la jeunesse des années 70, et la décrit comme loufoque, insouciante et prête à toutes les expériences. En réalité, nombre d'entre-nous étions paralysés par une angoisse existentielle terrible. En ce qui me concerne, j'étais désemparé dans ce monde d'après-guerre dont les buts n'avaient pour moi aucun sens. S'il n'y avait pas eu Maharaji, je n'aurais peut-être pas survécu aux années 70. Tout comme bien d'autres. Retournant peut-être le cadeau de quatre siècles de colonisation, Maharaji et les autres exportations indiennes de l'époque ont tourné à leur avantage la vengeance de ce malaise occidental. Et il a eu le bonheur d'arriver au pic d'une ère anti-rationnelle.

La solution de Maharaji m'a rapidement jetée dans un mode de pensée totalement nouveau, nécessaire pour survivre. La 'Connaissance' était l'intermédiaire, disait Maharaji, "grâce auquel l'évident devient évident". Ma nouvelle réalité me sortit d'une difficulté existentielle. Mais entre-temps, mon mode de pensée avait été modifié, et je croyais que Maharaji était 'Dieu-dans-un-corps' (comme les premies disent maintenant en faisant la grimace), et que sa 'Connaissance' était la seule solution. En peu de temps, on peut faire beaucoup de dégâts dans l'esprit d'une personne de vingt ans.

Même plus tard - après les années 70 - lorsque je me suis marié, que j'ai entamé une carrière et tout ce qui va avec, il y a toujours eu un rythme différent et antérieur qui jouait en parallèle: 'la 'Connaissance' est la seule réalité; tout le reste est irréel. C'était vraiment un sapeur de volonté.

En ce qui concerne la 'modification du mode de pensée' - une appellation moderne du lavage de cerveau, il ne s'agissait pas d'enfermer les gens et de les empêcher de dormir, par exemple. Nigel Longhurst, psychologue et ex-premie, l'a illustré mieux que je ne pourrais le faire:

"J'ai eu un chat. Il est passé une fois sous une voiture, et il ne s'est plus jamais approché d'une route. Il n'a pas pris cette décision consciemment; il a appris cette peur à un niveau biochimique." De la même manière, après un conditionnement suffisant, "votre corps associe l'euphorie ou toute autre sensation de bien être avec la présence de 'Dieu-dans-un corps-humain' sur la planète", dit-il.

Tout comme le conditionnement qui nous a abreuvé tous les jours, à travers les cassettes, les magazines et les mahatmas, nous nous sommes mutuellement conditionnés. Les premies rapportaient du prasad (restes de la nourriture de Maharaji) et du charanamrit (des flacons d'eau dans laquelle il avait trempé le pied) dans leurs valises lorsqu'ils revenaient de ses programmes internationaux, comme s'ils faisaient de la contrebande de drogue. Tout ce qu'il avait touché était sacré. Une fois, nous avions même mis en loterie un jeu de radiographies dentaires de sa mère.

Avec le temps, un mode de pensée clair s'est trouvé remplacé par des sensations floues et agréables - et par la plus douteuse des suppositions. Je me suis toujours dit, par exemple, qu'il y avait en moi plus de choses que ce qui est apparent au premier abord - sans aller trop loin pour autant. Mais au lieu d'explorer cette partie inconnue, je l'ai appelée l'âme, et j'ai décidé de la considérer comme 'transcendante' et 'mystérieuse'. Ou bien si je me sentais apaisé, j'ai allègrement baptisé ça 'l'expérience de l'infini'. Pendant les années 70, bien sûr, tout m'y poussait.

Nous, les êtres humains, projetons la divinité à l'extérieur, conférant des qualités imaginaires à des personnes bien réelles. Et nous la projetons aussi à l'intérieur, changeant des sensations réelles en des objets imaginaires que nous qualifions, par exemple, de 'spirituels'.

Il est très possible qu'attribuer des noms mal appropriés ait été notre premier talent. Nous sentons en nous quelque chose d'agréable, et nous affirmons immédiatement - sans preuve - que c'est 'éternel', un 'cadeau divin', ou 'la partie élevée de notre être'. Ces sentiments simples sont les premiers éléments sur lesquels l'homme a fait œuvre de superfétation. Et des centaines de milliers d'années plus tard, ils restent les plus influents.

Il reste un mystère: comment se fait-il qu'il faille la moitié d'une vie pour appréhender une vérité aussi simple ? Il est parfois nécessaire d'être confronté à un abus des plus manifestes pour que tout s'effondre.

Pour tout cela, la "Connaissance" de Maharaji marchait vraiment. Ca m'a donné la paix, l'euphorie, l'amour, et des certitudes que je n'aurais pas crues possibles. Mes propres objectifs, et tout ce que le monde recherche, semblaient tout à coup petits et misérables. Ca m'a délivré de l'anxiété et même de la solitude, la malédiction de la modernité. Il fallait que ça soit divin, éternel, la connaissance totale. Et aussi, bien sûr, celui qui la donne.

Au cas où quelque chose m'aurait échappé, il mettait les points sur les i :

"Quand vous devenez le Seigneur de l'Univers, vous devenez un pantin, vraiment ! Rien d'autre; ce n'est plus 'vous'. Pas 'moi', pas 'vous', pas d'ego, pas de fierté, rien d'autre. Un avec l'humilité; serviteur. Très très beau. Toujours dans la béatitude divine."

"Qui est le gourou ? Le Gourou est la plus haute manifestation de Dieu. Donc lorsque le Gourou est ici, lorsque Dieu est ici, à qui donner sa dévotion ? Guru Maharaj Ji sait tout. Guru Maharaj Ji est Brahma (le créateur). Guru Maharaj Ji est Vishnou (l'opérateur). Guru Maharaj Ji est Shiva (le destructeur de l'illusion et de l'ego). Et par dessus tout, Guru Maharaj Ji est le Seigneur Suprême en personne, devant nous. Je suis venu avec tant de puissance. Je suis venu pour le monde. Lorsque le pouvoir supérieur vient, le monde s'oppose à lui. Une fois encore, je suis venu et vous n'écoutez pas."

"Un dévot suivra partout son Guru Maharaj Ji, où que son Guru Maharaj Ji aille, et il ne s'engagera dans rien d'autre."

"Tout dépend de moi. Pas même une feuille ne bouge d'un millimètre si je ne le souhaite."

"La seule raison de cette existence, c'est être un dévot."

Après des mois et des années durant lesquels un tel message est tombé comme la pluie, nous avons fini par avoir pitié des personnes poursuivant une carrière ou envisageant le mariage. Pensaient-ils vraiment dans leurs rêves les plus fous que ça leur apporterait la satisfaction ? Ne savaient-ils pas que la maladie, la malchance et la vieillesse arriveraient, et détruiraient leurs rêves ? N'avaient-ils rien appris des grands maîtres du passé, qui étaient venus encore et encore pour délivrer le secret de l'éternité, avant de repartir ? N'avaient-ils pas réalisé que Dieu n'avait pas planté ce secret dans les églises ou dans les livres, mais dans le lieu le plus évident et le plus accessible: le cœur de l'homme ? Pensaient-ils que la vie est éternelle ?

"Notre père ne veut pas de nous, notre mère ne veut pas de nous, nos frères ne veulent pas de nous, nos oncles ne veulent pas de nous, personne ne veut de nous dans ce monde. Sauf Gourou Maharaj Ji."

J'étais prêt à croire chaque mot de Maharaji. Ou plus exactement, je n'avais pas d'autre choix que de trouver quelqu'un pour me sauver de ma weldtschmertz, ma 'douleur du monde'. Il me fallait choisir: mourir au monde, ou simplement mourir. Avec quelques encouragements, j'ai fini par croire.

C'est un petit miracle que trente ans plus tard, alors qu'il est noirci par les scandales, les premies s'accrochent encore à Maharaji et à son 'précieux cadeau', avec une détermination acharnée.

"J'avais complètement oublié les sensations associées à l'enfance", ai-je écrit plus tard à propos du moment où j'ai reçu la Connaissance. "Des sentiments d'innocence et de vénération. Et alors ils se sont tous précipités pour m'accueillir comme de vieux amis ... Du bonheur et du sens - c'est le cadeau unique de Maharaji".

Bien sûr, ça n'était pas unique. Dans l'état de New York, Swami Muktananda initiait les gens à shaktipat, et dans tous les pays occidentaux, Sa Divine Grâce AC Bhaktivedanta Swami Prabhupada initiait ses acolytes au 'divin' mantra Hare Krishna. Les Rajneeshis 'recevaient sanyas' de Shree Rajneesh, et Anandmurti distribuait le 'son acoustique unique' supposé mener ses dévots à Dieu.

Maintenant, j'appelle ça 'Le Jus', et j'ai compris récemment que c'est juste le résultat des techniques physiques qui calment le système nerveux central. La paix, la certitude, le bonheur, le sentiment d'éternité, et tout le reste - tous peuvent être concrétisés par la méditation, la prière fervente, la récitation - ou (comme dans des centaines d'expériences) le port d'un 'Casque Divin' magnétiquement-chargé dans le labo de recherche du Dr Michael Persinger à l'Université des Laurentides au Canada.

Si quelqu'un me l'avait dit en 1972, ça m'aurait épargné 28 années. Mais, encore une fois, je ne l'aurais probablement pas cru.

J'ai aussi appris depuis que les techniques de méditation de Maharaji étaient disponibles partout dans le monde via des livres et bien d'autres gourous. Mais à cette époque, nous n'en savions rien, et ce que nous avions nous semblait assez transcendant.

Les expériences transcendantes sont communes à la plupart des sectes, et même lorsqu'elles diminuent avec le temps (comme c'est le cas), leur mémoire en reste précieuse. Ceux qui restent dans les sectes les emportent dans leurs tombes. Tout comme je l'aurais fait - si la Méchante Princesse des Ténèbres n'avaient pas été là. (Voir plus bas.)

----------------------------

L'expérience de la 'Connaissance', et le paradigme qui donnait réponse à tout - que nous avions embrassé, rendait tout le reste ennuyeux. Nous avions rarement des relations avec nos familles, âmes perdues qu'ils étaient. Carrières et relations semblaient stupides. Nous étions convaincus que la destinée du monde était entre les mains de Maharaji. 'Maharaji contrôle le monde, comme un échiquier,' avais-je dit à ma sœur.

Dans le Queensland, une équipe de premies qui bétonnaient l'allée d'une propriété entendirent une rumeur selon laquelle une visite de Maharaji était en vue dans le sud. Ils lâchèrent leurs outils et partirent sur le champ, laissant tourner la bétonneuse. Le client affolé fit une crise cardiaque, et tomba dans le ciment.

Pendant l'été 1972, je n'ai eu aucune difficulté à aller à Lorne Beach, au sud de Melbourne, revêtu de mon costume noir des Divines Sales, affichant un sourire béat au dessous de ma coupe de cheveux au bol, pour forcer des couples légèrement vêtus et étroitement enlacés dans une étreinte passionnelle à accepter un tract de Maharaji - les informant solennellement qu'ils perdaient leur temps à des plaisirs mondains.

Dans tous les pays occidentaux, des mouvements tectoniques semblables avaient lieu pour d'autres. 'Il n'y a pas de divinité supérieure au Gourou', disait Swami Muktananda à propos de lui même dans son ashram de l'Etat de New York. 'Il n'y a pas de gain supérieur à celui de la grâce du Gourou'.

En Corée du Sud, le Rev. Sun Myung Moon proclamait: 'J'ai hérité de sa mission et de son travail, et je succède à Jésus dans son œuvre. J'accomplis ce que Jésus a laissé inachevé.'

Lorsque le gouvernement US l'a arrêté après que ses disciples aient organisé le plus grand empoisonnement de masse de l'histoire des USA, Bhagwan Shree Rajnees s'est exclamé: 'Cette fois, Jésus est crucifié en Amérique par les chrétiens eux-mêmes.'

Les premies connaissent la vraie vérité. Et pendant les années 70, pour des milliers d'entre nous, la dévotion pour Gourou Maharaji s'est appelée 'le trésor caché à l'intérieur'.

Mais Maharaji ne manquait pas de trésor caché pour lui. Où qu'il aille - Australie, Japon, Fidji - il y avait des files de darshan. Les premies faisaient la queue pour lui embrasser les pieds et y déposer des cadeaux en espèces. Ces derniers disparaissaient vers Hong Kong dans les valises des premies faisant office de courrier - parfois 300.000 dollars US ou plus à la fois - pour y être transférés sur les comptes en Suisse de Maharaji.

"Il y avait aussi des collecteurs de fonds spéciaux pour les cadeaux d'anniversaire extravagants", se rappelle Michael Donner, ancien responsable national de la Divine Light Mission de Maharaji aux USA. "Des gens faisaient des tournées en avion pour ramasser des sacs d'argent - parfois plus de 100.000 dollars US - pour lui acheter une nouvelle voiture, ou quoi que ce soit d'autre. Cet usage de l'organisation pour solliciter et collecter des dons n'était sans doute pas trop légale."

Maharaji avait déclaré qu'il est 'celui qui est tout, le Seigneur tout-puissant': pour le servir, il fallait effectuer de vastes changements de valeurs. A travers le monde, des milliers de personnes lui donnaient leur argent et leurs biens, renonçaient à leurs relations, à la drogue et à l'alcool pour entrer dans ses ashrams, leur vie se trouvant réduite à ses plus simples éléments: la méditation, le travail et la prière.

Maharaji avait annoncé en Californie que s'il cessait de méditer, 'le monde allait s'écrouler': il semblait donc prudent de suivre ses paroles d'aussi près que possible.

Et c'est au mois d'octobre 1972, le mois où l'étudiant Candace Pert découvrait les récepteurs opiacés dans le cerveau, ce qui allait provoquer une révolution en neurologie, que je m'en suis rendu à la 'miséricorde' et à la 'grâce' d'un jeune acnéique venant du nord de l'Inde, qui ne connaissait même pas mon nom - et que je suis entré dans un monastère.

J'avais tout à coup une famille. En réalité, il s'agissait de toute une tribu internationale. Maharaji avait 'juré sur la Bible' qu'il allait établir la paix sur terre - et nous allions l'y aider. J'avais donc aussi un but.

A l'ashram, il n'était (heureusement) plus nécessaire de projeter sa personnalité. La vie d'ashram permettait d'être libres du besoin de 'réussir' dans une société que peu d'entre nous pouvaient comprendre. Il n'y avait plus cette pression sociale qui pousse à boire ou à prendre de la drogue. La prohibition des relations et du sexe était, pendant la première année environ, des vacances bienvenues après des fréquentations, des tâtonnements et des inexpériences sexuelles désastreuses. Et comme il n'était plus nécessaire de parler constamment, c'était un soulagement: avec le temps, toute les parties troublées de notre être devenaient silencieuses.

Au début, les ashrams étaient souvent des lieux de grandes guérisons. Mais avec le temps, ils signifiaient un arrêt du développement de la personnalité.

Bien que le sexe fut banni, il y eut des fuites théâtrales, et beaucoup d'entre nous, après un certain temps, commencèrent à avoir des liaisons secrètes, tourmentées par la culpabilité et la peur. Nombre d'enfants de premies furent conçus sur des sièges de voiture, sur des pelouses et sur le sol des salles de satsang en pleine nuit, sous le regard menaçant du "Seigneur tout-puissant".

The Digger, un journal underground de Melbourne, a sorti une histoire sur Maharaji baptisée 'Quel est ce petit enfant de salaud qui essaie de bannir le sexe ?' Dans son article, le journaliste admettait qu'il avait été complètement subjugué par le satsang auquel il avait assisté. Des journalistes sont alors venus aux réunions de la Divine Light Mission, imprégnés de bière, prêts à faire un scandale - mais ils sont restés sur leur faim pour ce qui est de la 'vibration particulière', arborant des sourires jusqu'aux oreilles.

L'idée que Maharaji avait de lui-même était exceptionnelle. Son père avait été un gourou bien connu dans le nord de l'Inde. Il était le plus jeune de ses quatre fils. Dès son plus jeune âge, des adultes se jetaient à ses pieds, prêts à obéir au moindre de ses caprices. A la mort de son père en 1966, il est devenu Satgourou - le 'vrai gourou' pour l'humanité tout entière - à l'âge de huit ans.

Il n'est donc pas étonnant que, lorsqu'il a prononcé son discours 'La Bombe de la Paix' devant plus d'un million de personnes à India Gate, Delhi en 1970, il se sentait sûr de lui en affirmant:

'Guru Maharaji est le Seigneur Suprême en personne devant nous.'

Maharaji n'était rien si ce n'est le fils de son père. Shri Hans Ji Maharaji, son père, avait harcelé les leaders du Parlement de l'Inde, leur affirmant que le Seigneur Krishna - une des incarnations divines favorites en Inde - était revenu sur terre, pour la première fois, avec 'tous ses 64 pouvoirs'.

Et pour ceux qui auraient eu des doutes, Maharaji était aussi bon avec le bâton qu'avec la carotte:

'Et si nous oublions qui nous sommes vraiment, si nous abandonnons Gourou Maharaji et que nous oublions qui nous sommes vraiment, dans le vrai sens du terme, c'est comme si nous nous suicidions, c'est pratiquement comme mourir ... Si vous ne pratiquez pas la Connaissance, vous allez pourrir à l'intérieur.'

Maharaji avait des rivaux - qui étaient presque des clones: en 1948, un autre enfant indien de 14 ans, Sai Baba, avait dit à ses parents étonnés qu'il était un avatar 'venu rétablir la droiture'. Il a commencé à faire apparaître des cendres et des montres-bracelets dans les airs. Pendant les années 70, j'ai vécu dans des ashrams à Melbourne, Sydney et Adelaide; les histoires de magie de Sai Baba nous parvenaient par l'intermédiaire de voyageurs revenant d'Inde, essoufflés.

Il faisait peu de cas des tours de magie. La libération de l'âme était le plat de résistance difficile du répertoire spirituel, et en ce qui nous concernait, Maharaji était le seul à y parvenir.

En 1973, Maharaji a annoncé le programme - Millénium 73 - qui allait se tenir dans l'énorme Astrodome de Houston, Texas. Toujours béatement libre de toute fausse modestie, il promit que ce serait "l'événement le plus significatif de l'histoire de l'homme". Bal Bhagwan Ji, son frère aîné maigre et pimpant, annonça que des êtres venant d'autres planètes viendraient rendre hommage à Maharaji.

Lorsque j'avais été le chauffeur de Bal Bhagwan Ji à Adelaide, il m'avait raconté la parabole du dévot et de son gourou qui rencontraient un serpent mourant, dévoré vivant par les fourmis. 'Dans sa vie précédente, ce serpent avait été un faux gourou', disait le maître. 'Et ces fourmis étaient ses disciples. Maintenant, elles prennent leur revanche.'

Au mois de novembre, des centaines d'entre nous ont pris l'avion à l'aéroport de Sydney pour se rendre au Texas - pour le premier des douzaines de pèlerinages internationaux qui mirent nos cœurs en feu et vidèrent nos porte-monnaies pendant cette décade.

Mais Millénium fut un flop. 15.000 personnes seulement y assistèrent, au lieu des 144.000 attendues, et tous étaient des terriens. Sur un trône si haut que j'en ai attrapé le torticolis, les paroles des discours de Maharaji étaient mal articulées et indistinctes. La presse était sans pitié. Le magazine Rampart a rapporté l'arrivée de Maharaji et de sa famille à l'aéroport de Houston:

'A part Bal Bhagwan Ji, toute la Sainte Famille grassouillette transpire dans les 95% d'humidité, comme sur une publicité 'avant' pour les Weight Watchers.'

'Tout est en vous !' criait Maharaji d'une voix perçante - et aucun d'entre nous ne réalisait qu'il avait raison.

Le point culminant de Millénium fut pour moi le moment où j'ai croisé Maharaji à 2 heures du matin au sommet de l'Astrodome, assis sur une voiture de golf et entouré d'un groupe de premies. Il y avait un contraste marquant entre son costume de haute couture et les vêtements d'occasion portés par ceux qui l'entouraient. Mais surtout, il semblait être le seul du groupe à être naturel. Les femmes qui l'entouraient s'étreignaient la poitrine de leurs mains avec ravissement, comme pour se protéger de son rayonnement. Les hommes avaient l'air tendus, les mains fermement serrées devant leurs organes génitaux. Chacun arborait un sourire figé, et, à chaque parole de Maharaji, les têtes faisaient de furieux signes de haut en bas. Ses plaisanteries - la plupart stupides - déclenchaient de grands éclats de rires.

A la vue de ce tableau surréaliste, je fus frappé par la qualité unique et divine de ma divinité corpulente chevauchant un kart de golf. Mais pour la première fois, les premies - qui avaient été jusque là mes gais compagnons - m'apparaissaient comme de simples moutons. Je n'avais encore que 21 ans: je ne m'étais pas rendu compte que je faisais partie du troupeau.

----------------------------

Les premies ont développé une batterie de techniques psychologiques pour gérer les anomalies dont le monde de Maharaji fourmille. Lorsque Maharaji a eu un ulcère, c'était un lila - un jeu divin pour 'souffler les concepts'. Lorsqu'un protestataire a jeté une tarte à la crème à la figure de Maharaji, un mahatma l'a presque tué à coups de barre de fer. ('J'ai vu la lumière', a dit Pat Halley, le journaliste de gauche. 'Et beaucoup d'étoiles. Je ne me suis pas rendu compte de ce qui m'arrivait, avant de voir mon sang gicler sur le mur, alors j'ai commencé à hurler.') La plupart d'entre nous écartent ce genre de choses de leur esprit - la défense la plus courante.

Le meurtre d'un groupe de premies à Tallahassee, Floride, et un suicide à l'ashram de Sydney, étaient des manifestations du 'mental qui prenait le dessus' - une raison de plus pour se 'focaliser uniquement sur la Connaissance'.

Bien que Millénium ait fait long feu, 1974 fut une autre année débordante d'augures. Un cousin me contacta: son ami avait vu Maharaji au milieu du ciel, le soleil faisant un halo derrière sa tête. 'Satguru Has Come', le film de la Divine Light Mission, et qui avait été montré partout, présentait Maharaji jetant des éclairs dans les cieux. Bob Mishler, le président mondial de la Divine Light Mission, rapportait comment Maharaji avait ramené à la vie un enfant mort. Avec un tel pouvoir à nos côtés, nous étions certains que Maharaji réaliserait bientôt sa prédiction de 1970:

'Je déclare établir la paix sur terre.'

Mais le monde voyait les choses différemment. La presse était uniformément mauvaise: le mariage de Maharaji âgé de 16 ans avec une blonde bien roulée; le puits sans fond des dettes de Millénium. A Brisbane, des journalistes en mal de copie plaisantaient avec le titre du Film Divin: 'Fatguru has come', titrait une couverture du Courier-Mail.

Aucun gourou ne prospère sans opposition. Pour Ananda Marga, c'est le gouvernement indien qui a emprisonné leur gourou - et tous les hauts responsables qui le soutenaient. (Les margis, comme ils se définissent, avouèrent qu'ils s'étaient engagés dans une campagne de sabotage et de violence pour 'mettre à bas la société'. Et ils n'ont pas tardé à l'affirmer en jetant des pierres sur la vitrine des Divine Sales d'Adelaide pour la mettre à bas.) Pour les Hare Krishnas, c'étaient les 'démons' du sexe, du pouvoir et de l'argent qui dirigeaient les entreprises, les médias et les églises. Pour le Révérend Sun Myung Moon, c'étaient les 'esprits du mal' du mental et la permissivité sexuelle qui étaient omniprésents.

Maharaji était un excessif: pour lui, c'est toute l'existence qui est un problème. En mai 1974, il a dit:

'Dans ce monde, il n'y a ni paix, ni harmonie, ni amour. Pourquoi ? Parce que rien de ce monde n'existe. Rien n'existe.'

C'était l'idée hindoue de la maya - seul Dieu est réel, et le monde est une illusion.

Mais Maharaji faisait pourtant transférer des quantités significatives de cette illusion sur ses comptes en Suisse. Des demeures, des voitures de luxe, et le premier de ses nombreux jets se matérialisèrent. Un premier Boeing 707 Divin revendiquait une cuvette de WC en or, comme le raconte l'ex-premie américaine Cynthia Gracie qui a travaillé au réaménagement du jet - "bien que je ne sache pas si c'était de l'or massif, ou simplement plaqué or".

A la date d'aujourd'hui, la valeur totale des biens de Maharaji, dont ses anciens disciples lésés ont pu suivre la trace, se monte au moins à 100 millions de dollars.

Mais même si nous, les premies de la première heure, avions connu le véritable volume du butin, ça n'aurait probablement pas suffi pour nous désillusionner. Je n'avais pas remarqué les rangs de sièges vide à Millénium, pas plus que son discours à la logique circulaire:
"On dirait qu'il y a une chose qui guide l'autre, et que l'autre en guide une autre, et que l'autre en guide une autre, et que l'autre en guide une autre. Et il semble donc (sic) qu'il y ait dans ce monde des séries de choses qui font marcher une chose ou une autre."

Bob Mishler fut pendant quatre ans le président de la Divine Light Mission, et le secrétaire personnel de Maharaji. Des années plus tard, ancien premie, il a donné les raisons de cette contre performance. Le Maître Parfait était ivre.

----------------------------

En 1974, après une implacable lutte pour le pouvoir, deux de ses frères et sa mère dénoncèrent son imposture.

Divine United Organization, son organisation charitable - qu'il avait annoncée comme 'la seule solution aux problèmes que tous les gouvernements du monde affrontent aujourd'hui' - coula sans laisser de traces.

Vers la fin des années 80 - sentant une prise de conscience croissante du phénomène sectaire - Maharaji ferma les ashrams, abandonna "Gourou" pour son nom de famille, et cessa de porter sa couronne de Krishna ornée de bijoux, celle de l'enfant-Dieu de l'hindouisme.

On demanda aux premies du monde entier de rendre leurs cassettes et leurs magazines. La Sainte Famille et les proclamations de Maharaji affirmant sa divinité furent jetées aux flammes.

Vers le milieu des années 80, la Divine Light Mission avait refait surface sous le nom d'Elan Vital. Le Seigneur de l'Univers s'était métamorphosé en "quelqu'un qui parle de la vie", ainsi qu'Elan Vital le décrit assez mielleusement. L'idée de sa divinité, comme l'a dit Maharaji, provenait d'un "malentendu" propagé par ses mahatmas.

Entre temps, beaucoup de premies étaient devenus des ex-premies: et ceux qui restaient commençaient à songer au mariage, à avoir des enfants et une carrière. Etablir la paix sur terre, le plan de Maharaji, n'avait aucun succès.

Alors que les années 80 furent assez stériles (Maharaji fit un programme au Jupiter's Casino de la Gold Coast, par exemple), le début des années 90 vit une résurgence spirituelle, la cinquantaine se profilant à l'horizon.

En 1991, sa mission repartit pour un nouveau bail, lorsqu'une propriété fut acquise dans la région de Brisbane pour y tenir des réunions internationales. Pour la première fois, l'Australie devint le centre de ses activités mondiales.

'Amaroo', ainsi que la propriété a été baptisée, a hébergé une douzaine de programmes, avec jusqu'à 4600 participants affluant de tous les continents. Elle est située aux pieds d'Ivory's Rock, un énorme pic volcanique.

Amaroo - officiellement nommé 'Ivory's Rock Conference Centre' - est un terrain de 800 hectares de terres agricoles reconquises sur la nature, à 45 minutes au sud-ouest de Brisbane. C'est un lieu de réunions internationales pour Maharaji et ses disciples: des réunions s'y tiennent une ou deux fois par an.

Amaroo a des kilomètres de routes privées, des barrages, des campings pour des milliers de personnes, un amphithéâtre en plein air de 4500 places, une salle de réunion moderne, et 20 magasins vendant, entre autres, de la nourriture, des vêtements, des chapeaux, tasses, T-shirts et autres gadgets très onéreux approuvés par Maharaji. Au Daya's Fine Dining Restaurant, les premies peuvent manger pour 150 dollars, vin non compris.

Des millions de dollars ont été dépensés pour les installations privées de Maharaji, avec une maison en haut d'une colline. Son 'campement' a des appartements répondant aux plus hauts standards de luxe - une salle d'informatique, et des WC équipés d'un tableau de contrôle électronique sophistiqué.

Les détails du 'camp' de Maharaji sont cachés aux premies: 'ils ne comprendraient pas', selon un haut responsable. La zone de son barbecue, selon un des rares premies qui l'ont vue, est 'comme un centre de contrôle de la NASA', avec des grilles manœuvrées par un système hydraulique télécommandé.

Pour le barbecue de Maharaji, la viande provient d'un veau choisi par les premies, 'le plus gentil du troupeau'; on le masse avant de l'abattre, afin qu'il soit le plus tendre possible. Le bois du barbecue est empilé pendant des heures, avec une netteté inimaginable - en laissant un vide en forme de cœur au milieu de la pile.

Lorsque l'arrivé du maître est imminente, les charbons de son feu de camp sont allumés au ralenti, et on fait sortir les haut-parleurs gigantesques de sa chaîne stéréo. (Lorsqu'il pousse le volume, la musique peu être entendue à des kilomètres, tout au bout de la propriété.) Les premies sont renvoyés, et les draps du lit du maître - faits main en Amérique du Sud - sont entre ouverts.

Maharaji passe l'essentiel de son temps à Amaroo à se "reposer" et à faire la fête dans son campement luxueusement aménagé. Il part de temps en temps en promenade, tire sur les lapins (un secret officiel) et rencontre ses organisateurs internationaux.

Un moment essentiel des programmes à Amaroo est la file de darshan - le rituel où on lui embrasse les pieds, qu'il a silencieusement ressuscité. On y accède maintenant après être passé sous un portique de détection, et l'événement a lieu en l'absence de toute personne extérieure. Son existence est officiellement niée.

Un autre moment fort, c'est le discours quotidien de Maharaji. Il a tendance à être plus intime et détendu à Amaroo. Un de ses sujets favoris, c'est son père (décédé) et gourou, Hans Ji - dont il a hérité de la mission au jeune âge de huit ans.

Maharaji raconte parfois comment Hans Ji - et donc lui-même - héritent d'une lignée pluri-centenaire de maîtres. Il a même publié ce 'lignage' sur son site Internet, avec des portraits, et les dates de ses prédécesseurs.

David Lane, Professeur à la California State University, est l'expert mondial de la 'Tradition Rhadasoami' dont la famille de Maharaji affirme hériter. Lane affirme qu'après avoir été écarté de la succession à son propre gourou, Hans Ji a quitté son groupe d'origine pour établir le sien. Le 'lignage' de Maharaji, dit-il, est une invention.

A propos des organisations indiennes analogues à celle de Maharaji, le Professeur Lane dit: 'La plupart de ces groupes démarrent d'une manière illégitime - c'est à dire qu'ils n'ont pas l'approbation du gourou précédent, ce qui est le cas pour le groupe de Hans Ji. Ils s'inventent donc une sorte de néo-mythologie, afin de faire valoir leur cas.'

------------------------

Arrivé aux années 90, j'avais déjà fait l'expérience de quelques "gouttes" - un terme ex-premie pour caractériser les anomalies ou les erreurs qui pénètrent à travers l'armure mentale épaisse de chacun, et qui permettent au doute de grandir, et à la dépendance de Maharaji de s'affaiblir.

Une des premières "gouttes" a été l'habitude de Maharaji d'allouer les postes de direction d'Amaroo sur la base de la loyauté inébranlable. Les talents pour le poste - et tout particulièrement les capacités professionnelles des personnes - semblaient optionnelles, peut-être même indésirables. Amaroo passait donc d'une crise organisationnelle à une autre (tout comme c'est le cas en ce moment).

En 1997, un article paru dans un journal de Brisbane décrivait le mode de vie de Maharaji d'une manière assez précise (un réseau de demeures, y compris celle de Fig Tree Pocket dans la banlieue de Brisbane, le jet privé le plus cher du monde, etc). Furieux, il décréta que l'équipe RP d'Elan Vital était responsable de cette histoire, car ils étaient censés être là 'pour l'empêcher'. Son valet de chambre me confia que ça l'avait déprimé jusqu'à Noël.

Un soir, lors d'une party, deux des organisateurs d'Amaroo confièrent à plusieurs d'entre nous que des erreurs au coût désastreux avaient été commises dans le programme de construction d'Amaroo. Ils murmurèrent même que Maharaji en était responsable. Toute la salle fit silence, chacun regardant par terre.

Plusieurs amis ex-premies m'ont demandé d'expliquer certaines dichotomies - j'en fus incapable. L'une des questions est comment Maharaji a-t-il pu croire qu'il était Dieu à une époque, et comment peut-il affirmer ensuite qu'il n'y a jamais cru.

En 1970, Maharaji a dit:

'Les grands leaders pensent que je suis venu pour régner, et oui, ils ont raison ! Je vais diriger le monde ! Regardez comment je vais m'y prendre.'

En 1999, il disait sur son site Internet:

'Il y a beaucoup de gens qui voulaient que je sois une figure de proue. Je ne voulais pas en être une, et je n'en suis pas une. D'autres personnes m'ont pris pour un leader, je ne voulais pas en être un, et je n'en suis pas un.'

J'ignorais tout ceci, m'en tenant à un message central plus sûr: 'Le Bonheur et Etre Vrai,' j'écrivais de la propagande divine. 'Ce sont les cadeaux uniques de Maharaji'.

Une "goutte" majeure est arrivée en 1997, lorsque la plupart des responsables d'Amaroo se sont plaints du mode d'administration autoritaire de ce lieu. Maharaji a dépêché un envoyé des USA pour faire passer les 40 personnes par d'intenses sessions d'autocritique, avec des confessions d'indignité et de culpabilité. Le plus étrange, c'est que ceux qui ont confessé avec des larmes - et parfois de manière hystérique - le pire de la plus grande indignité, n'avaient rien fait de mal. (Les pires des pécheurs, comme moi, n'ont pas eu la moindre larme.)

Après ceci, j'ai quitté Amaroo et le Queensland un peu troublé.

Mais j'y suis retourné en Septembre 1999, pour un training d'une semaine dirigé par Maharaji en personne. Ce fut une des expériences les plus étranges de ma vie.

D'une manière inquiétante, le training commença par une nouvelle session de pénitence, pendant laquelle les premies pleuraient pitoyablement sur leur indignité - cette fois en présence de leur Maître sévèrement impassible. Cette session n'avait pas cet objectif, elle devait être une 'introduction légère' à la semaine. Une fois encore, les premies se rabaissaient sans qu'on le leur demande.

Ce training fut un exercice mené dans le désordre et la peur. Maharaji semblait avoir les nerfs à fleur de peau pendant toute la semaine, et tombait dans des fureurs violentes à la moindre provocation.

On répétait des tâches inutiles. On jouait à des jeux d'équipe où il ne pouvait y avoir de vainqueur. On était martelés de messages sur l'indépendance, le respect et l'honnêteté - puis cassés par des demandes d'obéissance grâce à des abus de pouvoir et des conventions passées secrètement entre les responsables du training et certains participants.

Un de mes moments les plus étranges a été d'entendre le monologue torride de Maharaji sur 'à quel point je travaille dur pour maintenir mon corps en forme pour accomplir ce travail'. Maharaji mène une vie fameusement malsaine - il fume, il boit, il mange bien et prend peu d'exercice. Et il était debout devant nous en chair et en os - tellement obèse. Personne n'a dit mot - même plus tard en privé.

A un moment, un 'mouton noir' a été identifié (il avait fait une erreur lors d'un exercice). Au fil de nombreuses heures épouvantables, il lui fut publiquement fait honte, jusqu'à ce qu'il soit finalement expulsé du groupe. Il y a eu d'autres moments exceptionnels, comme l'Humiliation Rituelle du Dissident, et (après un accès de colère de Maharaji) le Rituel de Demande du Pardon.

Ceux qui faisaient des 'erreurs' étaient attaqués par Maharaji au moyen de volées d'obscénités, puis il se précipitait hors de la salle - à une occasion il dit à tout le monde 'Allez vous faire foutre !' tout en quittant la salle.

Provoquer la colère de Maharaji semblait projeter les participants (y compris moi) dans des états émotionnels infantiles. Le Coup du Père Fâché, comme je l'ai appris, est un des favoris de Maharaji.

J'ai surtout fini par comprendre que Maharaji prospère grâce au passage d'un double message: indépendance/dévotion, honnêteté/secret, confiance en soi/confiance dans le maître. Une moitié du message vous autorise et vous grandit, et l'autre moitié du message vous intimide et vous amoindrit; une moitié provoque l'amour, une moitié libère, et l'autre moitié vous rend esclave.

Les premies sont puissamment accrochés par les deux éléments du message contradictoire. Chacun veut se sentit libre, tout en voulant obéir à une autorité légitime. Par sa stratégie, ce message mixte vous embrouille.

Et finalement, je me suis mis à percer la logique superficielle - ces prémisses - qui avait été installées il y a bien des années dans ma tête à l'âge de 20 ans. Le sol commençait à trembler sous mes pieds.

Depuis cette date, j'ai été contacté par un chef d'entreprise d'Allemagne. Valerio Pascotto, le responsable en chef des trainings de Maharaji, et Tim Gallwey, avaient essayé d'y mettre le 'training' sur le marché. Elle m'a dit qu'elle se sentait comme dans une secte - et qu'elle avait quitté la pièce.

Depuis le training pour premies de 1999, Maharaji a dit à ses hauts responsables qu'il n'allait pas continuer à hurler et à crier après les premies: il est clair que ça a causé des dommages collatéraux.

La contradiction entre la liberté et l'esclavage que Maharaji incarne est aujourd'hui d'une clarté aveuglante. Mais il n'en a pas été ainsi pendant des années. Ca m'a troublé d'une manière étrange et inconsciente: la sape de mes ambitions, cette incapacité à expliquer Maharaji aux personnes extérieures, les défaillances éthiques dont je n'aurais normalement pas dû être la proie, mon attachement à des voies de pensée "sûres".

Tels sont les sentiments qui commençaient à atteindre la surface lorsque, une fois de plus, j'ai quitté Amaroo avec l'esprit troublé.

------------------------

Pour beaucoup de membres de sectes, et surtout pour les prémies, l'Internet s'est révélé être le briseur de rêves.

En 1996, Jim Heller, avocat et ex-premie canadien, naviguait sur les premiers newsgroups d'Internet consacrés aux sectes, à la recherche d'informations sur Maharaji. Rien. Puis, progressivement, d'autres ex-premies se sont matérialisés. Parmi eux, il y en avait un qui avait quelques talents en matière de site Internet: www.ex-premie.org était né.

A mesure que des parcelles d'informations - souvenirs, documents, photos - suintaient vers le site, en provenance de tous les coins du monde, une toute nouvelle image du Maître Parfait commençait à émerger.

Une des premières lumières fut une interview du défunt Bob Mishler - président de la Divine Light Mission pendant cinq ans et secrétaire personnel de Maharaji - qui était parti en 1977. Les révélations de Mishler étaient énormes:

Maharaji "buvait beaucoup ... au point d'être cuit tous les soirs". Il y eut plus d'une occasion où nous avons dû le porter dans son lit après qu'il se soit évanoui."

"Il trouvait le moyen de faire payer par les divers départements de la Divine Light Mission, les choses que nous avions achetées pour lui, afin qu'elles soient dissimulées par nos statuts financiers ... La consommation est comme une maladie chez lui. A peine obtient-il l'objet de ses désirs, que ce soit une nouvelle Maserati, une Rolls Royce ou quoi que ce soit - une Aston Martin - qu'il pense au prochain."

'Il vint un temps' révélait Mishler, ou Maharaji 'avait dégénéré physiquement au point qu'il avait des évanouissements. Nous l'avions fait examiner et avions découvert qu'il n'y avait pas de cause matérielle, c'était psychosomatique'.

Lorsque Mishler a essayé de montrer ce qu'il avait vu de l'exploitation économique et de l'asservissement des prémies vivant en ashram, Maharaji, dit-il 'ne voulait pas en entendre parler'.

'Il reportait pendant des semaines, des mois - quelquefois ne s'en occupait tout simplement pas du tout - et allait plutôt se saouler, presque chaque jour... (Il) avait un énorme problème d'anxiété qu'il combattait avec l'alcool. Il avait même développé une hypertension artérielle provoquée, une hypertension essentielle, qui est une forme d'anxiété internalisée...'

'Nous étions inquiets parce qu'il se détruisait, et j'étais doublement concerné... (par) l'impact que ça allait avoir sur les vies de ces autres personnes : les prémies qui vivaient à la limite de l'indigence.'

Mishler déclarait aussi que Maharaji n'avait pas hérité du leadership de son père et guru - l'histoire officielle - mais que c'était le résultat d'une lutte de pouvoir entre les mahatmas loyaux à son frère aîné et lui-même.

Vers la fin de 1975, Mishler avait convaincu Maharaji que cette situation pouvait être évitée s'il pouvait 'changer cette croyance qu'il était Dieu, en le déclarant publiquement et en le niant, prenant la responsabilité de nous déprogrammer de notre propre croyance... J'avais fini par lui faire comprendre qu'il allait perdre sa popularité et sa faculté de faire quelque bien que ce soit dans ce pays, s'il devenait le leader d'une secte.'

Pendant un temps, Mishler avait convaincu Maharaji de prendre ce tournant. Alors Maharaji s'est rétracté : "Si cela signifiait qu'il allait devoir faire des sacrifices dans son mode de vie - et il était devenu apparent que ça allait être le cas mi 1976 - il ne voulait pas vraiment avoir à le faire. C'est là que nous en sommes arrivés à la séparation de nos routes."

Mishler avait un thème récurrent :

"La plupart des membres ... n'ont vu Maharaji que dans des conditions très bien planifiées et mises en scènes."

'Maharaji a tant reçu spirituellement et matériellement' d'après une source proche de la famille. 'Et il a si peu redonné'. Sa devise est toujours 'Fais ce que je dis, pas ce que je fais'.

--------------------

Mais le scandale qui a causé le plus de soucis à son équipe internationale de RP (relations publiques), c'est ce qui concerne Jagdeo, le mahatma indien, décrit il y a vingt ans comme "le plus proche mahatma de Maharaji".

Via le site ex-premie, deux femmes se sont manifestées, affirmant qu'elles étaient des enfants de premies dans les années 70, et que Jagdeo leur avait infligé des violences sexuelles. L'une d'elle a fait un récit déchirant de son viol à l'age de neuf ans, l'autre a été caressée agressivement à quinze ans, en 1977.

La dernière femme, Susan Haupt, a écrit : "J'étais très consciente que Jagdéo avait fait cela a plusieurs enfants pendant une période de deux années". Elle connaît maintenant "plus que quelques autres victimes qui ne désirent pas faire de déclaration en public."

Susan Haupt déclare qu'elle a rapporté les exactions de Jagdéo à Maharaji, par l'intermédiaire de deux prémies de son cercle intime. L'un d'eux l'avait contactée pour dire que le message avait été délivré personnellement à Maharaji.

Mais Jagdeo est resté un personnage en vue dans l'organisation, et son accès aux enfants a continué sans répit. Des années plus tard, les deux messagers mentionnés - tous deux appartenant au cercle intime de Maharaji - n'ont "pas souvenir" des messages. Elan Vital proclame que Maharaji considérait les abus de Jagdéo comme des "on-dit".

Ce qui n'est pas une rumeur, c'est un e-mail de Glen Whittaker, le responsable d'Elan Vital en Angleterre, daté du 23 janvier 2000. Whittaker avait eu affaire aux attaques de la presse à propos de l'incident le plus sérieux de Jagdéo - le viol d'une petite fille de neuf ans - qui s'est passé dans un ashram anglais:

"L'histoire de Jagdéo est brûlante ici - surtout depuis Noël, alors que la presse est fascinée par Jonathan Cainer, 'le plus grand astrologue du monde' qui est aussi un prémie dédié. Il vient juste de passer acrimonieusement du Mail à l'Express (en échange de la suppression d'une histoire de Jagdéo et de pédophilie dans l'organisation de Maharaji d'après le Private Eye), en devenant le journaliste anglais le mieux payé. Il semble que Jagdéo ait commis des abus, et j'ai écrit hier une note officielle à Deepak (le Coordinateur National en Inde) pour lui demander des détails sur l'endroit où se trouve Jagdéo actuellement etc."

Whittaker, le conseiller RP du très connu Jonathan Cainer disait : "j'ai le sentiment que c'est Maharaji qui nous laisse nous débrouiller avec cette lamentable situation de RP qui aurait dû être éclaircie et résolue il y a des années, au lieu d'espérer qu'elle ne sorte jamais au grand jour".

Whittaker n'explique pas comment Maharaji aurait pu résoudre ce problème 'il y a des années' s'il n'en avait jamais rien su.

Lorsqu'à l'ashram de Delhi, Jagdéo a été confronté aux accusations de pédophilie, d'après un ex-prémie anglais qui a téléphoné à Deepak Bhandari - l'organisateur en chef de Maharaji en Inde - il a pleuré et il est parti de l'ashram.

Plusieurs prémies ont déclaré publiquement, et ils me l'ont dit, que les histoires de pédophilie de Jagdéo étaient connues aux plus hauts niveaux d'Elan Vital depuis 1978. J'ai vu Jagdéo à l'ashram de Maharaji de Delhi en novembre 1997. Elan Vital dit maintenant qu'il a 'disparu'.

-----------------------

Les bombes de Jagdéo et Mishler ont écarté bon nombre de prémies, mais le pire était à venir. L'infatigable Jim Heller retrouvait Michael Dettmers, qui avait géré les avoirs de Maharaji, ses affaires personnelles et sa 'présentation au monde' de 1975 à 1987.

Dettmers confirmait que le Maître Parfait avait un problème de boisson depuis longtemps ('ce type est un alcoolique'), et qu'il devenait souvent très abusif lorsqu'il était saoul.

Dans des interviews privées avec moi, une personne proche de la famille a reconnu que Maharaji était souvent 'cruel', et Michael Donner, ancien directeur national de la Divine Light Mission aux USA, a dit : 'C'était son style de descendre et d'humilier quelqu'un'.

'Après un certain temps,' disait Dettmers sur le site Internet, 'j'ai conclu qu'il y avait une forte corrélation entre l'échec de sa mission et le fait qu'il était légèrement ivre, sinon complètement saoul, cinq jours sur sept de chaque semaine pendant des années'.

Alors qu'il insistait pour que les personnes vivant en ashram s'abstiennent de drogues, d'alcool et de sexe, me disait Dettmers, Maharaji fumait des joints 'quatre ou cinq soirs par semaine' à Malibu. Et il demandait à Dettmers de 'faire le nécessaire' pour que des femmes prémies lui apportent leurs faveurs sexuelles. Invariablement, ces femmes étaient rapidement abandonnées, avec 'contrariété et confusion' comme résultat. Michael Donner et la personne proche de la famille confirment ces versions.

Maharaji a-t-il jamais endossé la responsabilité de ses propres erreurs ? 'Jamais' m'a dit cette personne proche de sa famille. 'Il est attendu de toute personne de son cercle rapproché qu'elle garde le secret complet sur les détails de sa vie privée'.

Dettmers dit que pendant des années ce secret a été gardé via un système baptisé 'Classer-X'. Les premies 'Classés-X' constituaient un cercle rapproché. Ils étaient soigneusement agréés par Maharaji avant d'être informés sur sa vie privée - et ils juraient de 'garder tout ceci confidentiel'.

Il est intéressant de constater que cette ignorance est à double sens. L'essentiel du volumineux courrier que Maharaji reçoit des premies est détruit, sans être lu.

Et maintenant Dettmers, ex-premie depuis de nombreuses années, raconte qu'il était présent lorsque Maharaji a renversé et tué un cycliste, alors qu'il était en route pour l'aéroport de Delhi, au début des années 80. Dettmers insiste bien sur le fait que c'était un accident - sans doute la faute du cycliste. Maharaji a laissé sur les lieux de l'accident le boy de Mahatma Sampuranand, le responsable de l'organisation en Inde, afin qu'il en endosse la responsabilité aux yeux des autorités. Puis il a quitté le pays. La famille de la victime a reçu un 'important dédommagement financier en cash' de la part de l'organisation de Maharaji.

Dettmers a divulgué l'histoire du cycliste 'dans le contexte de l'affaire Jagdeo - pour démontrer que si l'organisation et Maharaji voulaient couvrir quelque chose, ils étaient tout à fait capables de le faire'.

'Les gens aiment croire que Maharaji sait tout, et qu'il connaît les pensées et les sentiments de chacun', dit Dettmers. 'Je pense qu'il s'agit purement d'une projection. Il n'en a pas la moindre idée, et il ne se soucie guère des autres, à mon avis'.

A l'époque des ashrams, Maharaji a-t-il jamais exprimé de soucis pour les premies d'ashram ? 'Bien sûr que non', dit ma source proche de sa famille. 'L'ashram était un système qui avait très bien fonctionné en Inde. Il l'a juste adapté pour les pays occidentaux, jusqu'à ce qu'il devienne un fardeau trop lourd à gérer'.

En ce qui concerne Mahatma Fakiranand, qui a presque tué l'entarteur de Detroit en 1973, Michael Donner dit maintenant que 'la politique officielle de la Divine Light Mission était qu'ils avaient donné ordre au centre de Detroit de coopérer avec la police'. Mais en réalité, dit-il, il avait lui-même reçu ordre de Maharaji de 'faire sortir Fakiranand du pays' - ce qu'il fit promptement. Sa victime est défigurée pour la vie.

Ceux qui crachent un tel morceau ne s'en tirent pas sans conséquences. Au mois de Janvier dernier, des attaques de hackers ont eu lieu sur Internet, contre le site www.ex-premie.org, mettant le serveur qui l'héberge hors d'usage par deux fois, paralysant du même coup des foules d'entreprises. Des sites ont été mis en place l'an dernier par des premies toujours fidèles à Maharaji; il y était suggéré que Dettmers, Donner et 21 autres ex-premies connus souffraient de maladies mentales, et qu'ils étaient des kidnappeurs ou des pédophiles.

Bien que Elan Vital nie de tels agissements, un premie qui avait travaillé quelques mois plus tôt pour l'équipe internationale de RP m'a confié que leur équipe avait été chargée de 'trouver de nouvelles manières radicales de combattre les ex-premies sur Internet'.

----------------------------

Maharaji compte toujours des psychiatres, des hommes d'affaire et des journalistes parmi ses disciples. Y compris Michael Nouri, acteur à Hollywood, Jonathan Cainer, l'astrologue, et un général trois-étoiles au Pentagone. (Il semble qu'Olivia, la veuve de George Harrison, ait quitté la scène.)

Maharaji continue ses tournées dans les pays occidentaux, plusieurs fois certaines années, bien que les chiffres maximum de l'assistance aux programmes soient tombés de 20.000 en 1979, à 5.000 aujourd'hui. Même en Inde, sa popularité s'est estompée. Il avait attiré une foule de un million de personnes à Delhi en 1970. Ses programmes n'y attirent plus que 70.000 personnes aujourd'hui.

En Inde, Maharaji est toujours présenté comme une divinité. Dans les pays occidentaux, il 'parle de la vie', et la dévotion ouverte est confinée aux files de darshan, et à ce qui est appelé le 'Culte de la Vestale Virginale du Backstage': ces femmes super-dévotes qui se douchent et méditent avant de récurer chaque centimètre carré des coulisses des lieux où il fait ses discours'.

Pendant 25 ans - période durant laquelle environ 90% des premies ont déserté - Mishler, Dettmers et même des organisateurs australiens, ont pressé Maharaji d'être moins centré sur l'accumulation de richesses, et d'être plus spontané et terre à terre. Mais cela ne pouvait se faire - et Mishler l'a souligné, 'si ça devait se faire au prix de sacrifices dans son mode de vie'.

Par une progression invisible, nous avons adhéré à une foi qui n'a pas réussi à se séparer de la stimulation du groupe, ni de ses pulsions infectieuses - ni de la sagesse, de la compassion et de la clarté, nos projections que nous avons attribuées au Maître. Le jour, nous nous engagions de manière enthousiaste pour le bonheur, l'expansion et l'éveil - et la nuit, nous nous retrouvions tenaillés par nos sentiments de constriction, de vide et par notre illettrisme émotionnel.

La situation s'est sclérosée. Dans sa poursuite obstinée de la maya, Maharaji a retiré certains des soubassements qui maintenaient les croyants dans leur foi. Sa plus grande erreur a sans doute été le démantèlement les sentiments de communauté que nous avons autrefois partagés, afin d'accroître la focalisation sur lui. L'amitié, comme il l'a souvent dit, est la porte ouverte à la déception.

Les réunions où les premies partagent leurs sentiments ont depuis longtemps été remplacées par des vidéos ou des retransmissions par satellite des discours de Maharaji.

Des 'Comités de Pilotage de la Présentation à la Connaissance' élaborent maintenant des 'Plans de Présentation de la Connaissance', afin que les premies, lors des 'Trainings pour la Présentation de la Connaissance', puissent s'entraîner à la pratique de procédures pour parler à leurs amis de la manière de 'la joie coule à l'intérieur'. Lors des programmes à Amaroo, les chants sont désormais pré-enregistrés, et joués en playback. Maharaji a demandé que des caméras de sécurité soient installées sur toute la propriété.

'Comme pratiquement toutes les personnes ayant du pouvoir', dit cette personne proche de la famille, 'Maharaji est un fana de la surveillance'.

Depuis qu'il a été exposé dans les médias de France l'an passé, dit l'ancien instructeur Jean-Michel Kahn, 'Elan Vital a disparu sous la moquette. Leur site Internet est fermé, plus de répondeurs téléphoniques pour les premies, plus d'emails ni de fax, plus de documents écrits. J'ai l'impression qu'ils ont peur des journalistes'.

Pour ceux qui sont proches de sa famille, Raja Ji, le seul fidèle parmi les frères de Maharaji, a des doutes sur les avis de son frère, et sur leurs conséquences. De plus en plus, les premies confessent leurs secrets sur ex-premie.org, et ils abandonnent le navire. Même les membres de la famille de Maharaji en sont des lecteurs.

------------------------

Une vieille amie, Lesley Veale, qui venait récemment de faire l'impensable en coupant les ponts avec Maharaji, est apparu exactement au bon moment pour moi. Lesley avait passé d'innombrables heures à chaluter le site des ex-prémies. Il avait intégré chaque parcelle de mensonge, d'escroquerie, de dissimulation et de scandale qu'il contenait. J'écoutais ses histoires, mais je les contrais en opposant une solide défense de Maharaji. Elle les démolissait semaine après semaine.

Un prémie m'avait dit que Lesley était devenue 'très sombre', alors je l'ai surnommée la Princesse Des Ténèbres.

Je suis finalement allé moi-même sur le site Internet pour lire ces révélations. Le pire était confirmé. Je me suis alors dissocié rapidement et publiquement de Maharaji.

Tout aussi rapidement, deux amis de trente ans se sont lâchés sur le web, l'un disant que je devais être 'au bord de la crise de nerf', l'autre que j'étais un 'schizophrène' et un 'drogué'.

Partir fut vraiment comme ce que j'imagine être décrocher de l'héroïne. Assumer ma responsabilité pour avoir perpétré certaines de ces fraudes était chose facile. Pendant des mois, mon système nerveux a travaillé énergiquement pour se synchroniser à mon intellect. C'était comme si j'avais ouvert la porte de la grotte aux chauves-souris; maintenant elles voletaient partout, criant en plein soleil.

Les 'chauves-souris' étaient les capacités analytiques désaffectées et les sentiments longtemps réprimés - et mes jugements sur la perfidie que j'avais vue autour de Maharaji, si secrète, si inadmissible, que je me les étais même cachés.

J'ai finalement prononcé les mots qui, pour un baby boomer comme moi, étaient comme boire du poison : 'Mes parents avaient raison'.

La connaissance et la dévotion avaient fonctionné pour la jeune personne que j'étais, à peu près de la même manière qu'une unité de réanimation fonctionne pour un accidenté. Mais j'avais commis la grave erreur de rester en soins intensifs, alors que, avec un petit effort et un peu de confiance, j'aurais pu me remettre sur mes deux jambes et sortir de l'hôpital.

----------------------

La pensée sectaire n'existe pas seulement dans les sectes. Elle existe dans les écoles, les sociétés et les organisations idéalistes - partout où le besoin émotionnel (qui est universel) rencontre 10 grammes de charisme. Certaines familles sont des mini-cultes, où un père tout-puissant soumet émotionnellement ses enfants, en donnant de l'amour d'une main et en abusant de l'autre.

Il y a des gens qui pensent qu'il est improbable que des gens normalement constitués puissent se pâmer et pleurer de joie devant un artiste obèse qui énonce des clichés et qui transpire des pièces d'argent: ils devraient étudier les derniers jours d'Elvis. Une nation entière peut être avalée tout rond dans la psychodynamique d'un culte - qui prend habituellement un mode religieux, même avec un gouvernement athée. L'Allemagne, la Russie, la Roumanie, la Chine et le Cambodge ont tous été engloutis dans des cultes de la personnalité tout aussi dingues que celui de Maharaji - et bien plus dangereux.

L'année dernière, j'ai visité le musée de la Révolution à La Havane. J'ai regardé l'interminable fourbi relatif à la vie de Che Guevara - ses livres, ses bottes, son T-shirt maculé de son sang, et son omniprésent visage étonnamment christique.

-------------------

Une de mes plus belles expériences depuis des années, c'est un discours que j'ai prononcé après avoir gagné un oscar de journalisme l'an passé. Si je devais gagner quelque chose un jour, j'avais toujours eu l'intention de remercier cet esprit qui imprègne tout, et son révélateur - Maharaji (sans doute en train de descendre son quatrième ou cinquième cognac dans sa demeure de 20 millions de dollars à Malibu, et qui ne se souvient vraisemblablement pas de mon nom). Mais j'ai remercié mes parents qui m'avaient envoyé ma première machine à écrire au collège où j'étais interne, et qui avaient encouragé ma carrière d'une aide émotionnelle et pratique avant même qu'elle ne débute.

Lorsqu'un paradigme change, ses croyances centrales peuvent disparaître assez vite - mais il faudra peut-être un certain temps avant que cela n'atteigne les provinces psychiques. Et lorsque ces quelques mois de turbulences sont passés, le sentiment dominant, c'est un véritable soulagement.

La reconfiguration de tout ce qui m'est arrivé pendant 28 ans a été un vrai plaisir, très révélateur. Même des petites choses, comme ce théologien qui, en 1973, m'avait dit abruptement que Maharaji n'était qu'une farce. Pendant 30 ans, je l'avais considéré comme l'ultime représentant d'un intellectualisme ayant perdu le contact avec l'esprit - la pensée académique coupée de la vraie vie. Le réinventer en tant que personne perspicace - et non comme quelqu'un de 'perdu dans son ego' - fut un vrai défi.

Une autre reconfiguration fut nécessaire pour l'expérience elle-même. En faisant une rétrospective de mes trois décades avec la Connaissance de toutes les Connaissances, il n'y avait pas 'une expérience' - comme il était affirmé. Il y en avait un certain nombre: la paix, l'euphorie, la sensation d'un pouvoir supérieur, un sentiment d'éternité, d'unité avec toute chose, une conscience aiguisée, une sentiment ineffable, une certitude implacable, un sentiment d'acceptation, d'amour ...

La science moderne a montré que c'est tout à fait banal, la source de ces expériences étant une activité cérébrale déclenchée en calmant le système nerveux central. Ce qui se produit lorsqu'on récite, quand on prie ou quand on médite.

Un des grands phénomènes des derniers siècles a été la décentralisation. Newton, puis Einstein, ont décentralisé le cosmos. Dans le système économique capitaliste qui régit le monde, le pouvoir a été transféré des grands centres comme New York ou Londres vers les entreprises internationales - à tel point qu'une question fréquente des théoriciens de l'économie, c'est: 'Qui est 'nous' ?'

Même le Dieu des pays occidentaux a été progressivement décentralisé, avec l'apparition de son fils (au Vème siècle), puis celle du Saint-Esprit - et finalement, au dix-neuvième siècle, la Vierge Marie qui a gagné la parité, en tant que Reine des Cieux. Le modèle chimique du cerveau, tel qu'il a été ébauché par des neurologues comme Candace Pert, est sur le point d'enterrer les divisions artificielles entre le corps et l'esprit, pour dessiner un cerveau 'grand comme le corps'.

A une telle époque, où tous les vieux monolithes sont en déclin, Maharaji semblait un peu isolé. Il a essayé de rétro-pédaler - disant qu'il était imparfait, qu'il pouvait se tromper, qu'il n'était pas Dieu, et tout le reste - mais il était un peu trop tard. (Un autre problème, c'est qu'il délivre un message contraire en Inde: une visite à son ashram de Delhi équivaut à un voyage dans le passé, jusqu'en l'an 1973.)

Il n'est donc pas étonnant que, pour ceux qui sont restés dans l'organisation de Maharaji, les situation devienne de plus en plus irréelle. Au sein d'Elan Vital, j'ai été le témoin de près de trois décades de révolutions, de changements de style et de terminologie, de trainings, d'ateliers, de conférences, de mutineries et de purges - et rien n'a changé. Je me sens comme la Reine Rouge d'Alice, qui se promène dans un pays qui avance avec elle. Sauf que maintenant, j'ai pu descendre.

Quel est le nouveau paysage mental qui attend le fugitif ?

Les prodiges et le bonheur existent toujours. Ce qui ne cesse de m'étonner maintenant, c'est que - par exemple - pour la première fois dans l'histoire de l'homme, nous pouvons lire les sous-titres: nous avons accès au code génétique qui nous fabrique. L'évolution dit d'où nous provenons vraiment. Nous n'avons jamais connu ça auparavant.

Il y a d'autres avantages à quitter une secte - plus de temps et d'argent, par exemple. Et ne pas se sentir 'étrange' aux yeux du monde. Et les vieux amis - même des enfants dans mon cas, qui viennent vous dire, 'Dieu merci, tu en es sorti. Dieu merci, tu es de nouveau normal !'

Vous n'allez plus jamais attribuer des qualités divines à quelqu'un qui ne connaît même pas votre nom; vous n'allez plus jamais mettre à égalité des 'sentiments agréables' et l'illumination; vous vous laisserez beaucoup moins influencer par l'opinion d'un groupe. Et il est très peu vraisemblable que vous adhériez à des systèmes de vente multi-niveaux - initiés en Australie par des premies, comme par hasard.

------------------

D'après Jim Heller, co-fondateur du site ex-premie, c'est Internet qui est le vrai héros de l'histoire de Maharaji:

'Sans le Net, je n'aurais été qu'un type de plus avec un passé bizarre, qui, s'il avait de la chance, risquait de ressasser cette vieille histoire avec un ancien ami d'il y a vingt ans rencontré un jour dans un bar d'aéroport. Mais le Net nous a aiguillonnés pour devenir des détectives enquêtant sur une vieille affaire - scrutant notre passé collectif avec le bénéfice de la maturité, sagesse d'après coup et soulagement de la privation d'information grâce à laquelle toutes les sectes prospèrent.'

Il reste quelques premies à Maharaji, et ils le défendent avec des rationalisations de plus en plus intenables chaque année qui passe. Pour la majorité, l'évident est devenu évident. A mesure qu'ils défont le millier de serrures de l'endoctrinement sectaire, ceux qui furent des premies font honneur à leur réputation, et ils essaiment avec une énergie furieuse autour de celui qui les a trompés, comme des fourmis sur un serpent agonisant.

Maharaji n'est pas le seul leader de secte à avoir été défait grâce à l'Internet. En 1994, 'Oh Guru, Guru, Guru', un article publié par The New Yorker sur le Siddha Yoga - basé sur rien de moins que 100 interviews d'adeptes et ex-adeptes - toucha un public assez réduit. Mais lorsque l'Internet fut né, les adeptes du Siddha Yoga purent lire partout que Swami Muktananda, leur bien-aimé gourou, avait quotidiennement abusé de jeunes filles d'à peine 10 ans. Et que Guru Mayi, son co-successeur, avait orchestré des attaques physiques contre son jeune frère et rival.

Tout comme Maharaji, Guru Mayi avait rompu avec sa mère et son frère dans une querelle de succession acrimonieuse, et elle n'a pas su empêcher des petites filles de se faire violer par ses disciples les plus proches.

Dans une série de parallèles frappant avec Maharaji, The New Yorker démontre comment Guru Mayi a mis un million de dollars sur un compte en Suisse, comment elle a laissé menacer des dissidents, comment elle a ordonné la destruction de documents sur les débuts du Siddha Yoga, et comment elle a inspiré des présentations publiques au scénario calculé à l'avance. Elle a aussi introduit des trainings, dans le style de ceux qui se font en entreprise, pour tenter - sans succès - de surmonter ses problèmes organisationnels.

Depuis son incarcération pour fraude fiscale, le suicide de son fils et le déclin de son empire financier, Sun Myung Moon a vu son chiffre de disciples aux USA tomber de 50.000 à 6.000 (chiffres très proches de ceux de Maharaji), et de manière très significative grâce aux révélations faites à son sujet sur Internet.

En février (2002), l'organisation internationale Hare Krishna a déclaré être en faillite aux USA, à la suite d'un procès qui lui a coûté 400 millions de dollars. Les plaignants étaient des enfants anciens élèves des écoles Hare Krishna, qui se plaignaient de 'viols, abus sexuels, torture physique et terrorisme émotionnel sur enfants, les plus jeunes ayant trois ans'.

En ce qui concerne l' 'avatar' Sai Baba, ses miracles ont été démasqués, par des films au ralenti, comme de simples tours de prestidigitation.

Un livre de 800 pages, 'The Murders in Sai Baba's Bedroom' ('Meurtres dans la Chambre de Sai Baba') fait fureur en Inde. Il y est décrit le meurtre de quatre personnes qui a eu lieu en sa présence en 1994 - crime sur lequel les autorités indiennes ont refusé d'enquêter, peut-être parce que l' 'avatar' avait des disciples dans le gouvernement, y compris le Premier Ministre.

Suite à une large publicité sur Internet, des dizaines d'anciens disciples de Sai Baba affirment qu'ils ont été abusés ou violés par Sai Baba lorsqu'ils étaient adolescents ou de jeunes hommes. Le 'véritable océan de connaissance et de guidance dans tous les aspects de la vie spirituelle, religieuse et d'une vie orientée sur les vraies valeurs' est maintenant le sujet d'une mise en garde dans les consulats des Etats Unis.

Comme l'a dit une fois Sai Baba: 'Il est facile de constater à quel point le monde moderne, à travers sa régression morale et le déclin de ses valeurs, est prêt pour des avatars'.

Maharaji lui-même n'aurait pu mieux dire.

Haut de Page & Principaux Liens du Site