Une
perspective Indienne
sur l'enseignement de
Maharaji
Voici la
reproduction d'une conversation par email entre
'Sitaram' et Jean-Michel. Sitaram a été
disciple (et 'mahatma') de Prempal Rawat au
début des années 70. Il enseigne
actuellement le 'Sanatan Dharma' (=Hindouisme)
dans l'ordre d'Adi Shankara. Il est donc bien
informé sur le
sujet.
A lire également, les
commentaires de Sitaram sur les début de la
"mission" de M dans les pays occidentaux
(Rétablir
la Vérité Historique) dans la
section Le Meilleur du Forum de ce
site.
Sitaram:
R. H., un vieil ami m'a envoyé par email un
lien avec le site des ex-premies.
En tant que fondateur de l'organisation
américaine, et comme je suis aussi celui qui a
amené le gosse aux Etats-Unis, j'ai
trouvé tout ceci assez curieux. J'ai
envoyé un email pour annoncer ma
disponibilité.
C'est moi qui ai organisé le satsang à
l'origine, les discours pendant les réunions,
et les premières initiations aux USA.
J'étais assisté par un 'mahatma' Indien.
Je crois que Saphalananda, un anglais, faisait aussi
des initiations en Grande-Bretagne à la
même époque. Je n'ai été en
Grande-Bretagne que peu de temps. Il s'y formait
déjà des schismes. J'avais essayé
d'éviter l'approche 'chrétienne' des
anglais.
Jean-Michel:
Quel était la raison de ce schisme ? Je me
souviens d'avoir entendu certaines choses à ce
propos pendant les années 70, mais je n'ai
jamais saisi de quoi il s'agissait.
Sitaram:
Nous avons essayé de faire quelque chose avec
une énergie spectaculaire, mais ca a
été rapidement descendu par certaines
personnes, des américains, qui avaient une
vision et une conscience très étroites
(je pourrais citer des noms). J'ai donc rejeté
ce mouvement, et j'ai encouragé ceux que j'y
avais amené à faire de même.
JM:
Je suis tout ouïe (tout comme des centaines
d'autres personnes je suppose), en attente de
détails.
S:
Il y a une curieuse 'histoire secrète' de ce
mouvement.
JM:
??????
S:
Je suis parti en dépit de menaces et des
tentatives de séduction de la mère du
gosse, et d'une touche de violence venant du mioche
lui-même.
JM:
Vraiment ? On avait déjà entendu
des rumeurs de ce genre, mais jamais reçu de
témoignage direct. Pouvez-vous raconter
précisément ce qui s'est produit ? Vous
souvenez-vous d'autres histoires de ce genre ?
S:
Ca doit dater du début de 1972. C'est elle qui
m'avait envoyé d'Inde en Amérique, en
1971, alors que je n'avais jamais voulu quitter
l'Inde. Je suis retourné en Inde à la
fin de 1971, et j'y suis toujours resté depuis
cette date. Je pratique ma sadhana, mes
austérités et mes recherches. Je suis de
la lignée de Puri de l'ancien ordre d'Adi
Shankara, et j'enseigne le Sanatana Dharma
traditionnel. Prempal Rawat et sa mère avaient
changé mon nom en "Sitaram". De nombreuses
personnes, les premies, etc, m'ont connu sous ce nom.
Mais j'ai repris mon nom d'origine il y a bien
longtemps.
JM:
Je suis également très
intéressé par vos origines. Comme vous
l'avez propablement constaté, nous avons
découvert que Shri Hans (le père de m)
était en réalité disciple de
Radhasoami.
Shri Hans avait donc créé un groupe de
lui-même, et s'est déclaré comme
héritier spirituel de son guru malgré le
successeur désigné de celui-ci.
Comment se fait-il que vous ayez été
attiré par m à cette époque, et
que vous ayez abandonné votre propre tradition
? Est-ce fréquent en Inde ?
J'étais autrefois très
intéressé par les traditions et la
philosophie indiennes, et j'ai même
étudié l'Hindi et le Sanscrit à
l'université française pendant un an
avant de rencontrer m.
S:
Une des plus grandes tragédies des mouvements
tels que la DLM, c'est qu'ils ont
détourné nombre d'esprits fins et
curieux de leur intérêt pour les
traditions yoguiques et shamaniques 'authentiques',
aussi obscures qu'elle puissent sembler.
JM:
Le discours et le spectacle simplistes de m et de la
DLM m'ont beaucoup attirés, comme beaucoup
d'autres occidentaux.
Il me semble que vous êtes une des rares
personnes qui ait été présente au
tout début de la 'mission' de m, qui soit
encore là, et qui souhaite rétablir la
vérité.
Vous êtes probablement conscient de ce que nous
(les vieux premies et les exes - j'ai reçu la c
en 1972) savons des débuts de son 'travail' et
de sa première venue en occident avec mahatma
gurucharananand.
Il me semble que beaucoup de personnes seraient
intéressées par VOTRE version des faits
et de cette histoire.
Il m'a fallu si longtemps pour comprendre quelle sorte
de personne Prempal Rawat est en
réalité, qu'il me semble que tout fait
et tout témoignage n'a pas de prix pour aider
les autres à sortir de ce piège.
Je fais partie des personnes qui ont cru tout ce qui
était véhiculé par les canaux
'officiels' de la DLM, par les 'mahatmas', et par
toute la littérature de cette époque.
J'en ai reproduit une bonne partie sur mon site.
S:
Je serais très curieux de savoir quel est le
mythe de l'origine de tout ceci aux USA. Pouvez-vous
me le dire ? Je serais très heureux de le
commenter.
JM:
Je ne suis pas américain (je vis en France), et
je ne suis pas très au courant de ce qui s'est
passé aux USA et en Gde Bretagne au tout
début. J'ai fait pas mal de recherches sur le
passé d'EV et de la DLM, c'est ce que vous
pouvez lire sur mon site.
Le mythe de base, pour moi, c'est ce qui était
véhiculé par la DLM au début des
années 70. C'est ce que j'ai essayé de
reproduire sur mon site:
- Le livret publié en Inde en 1970 (Satgurudev
Shri Hans Ji Maharaj).
- Les plus fameux des premiers satsangs de m (tels
qu'ils ont été publiés dans les
magazines de la DLM - et manifestement
modifiés, puisqu'il en existe diverses
versions, surtout le fameux satsang 'Peace Bomb').
- La version DLM de la succession de Shri Hans: il
semble que le frère aîné avait
été choisi comme héritier, mais
que certains mahatmas en avaient décidé
autrement. Ce fait est ignoré de la plupart des
premies, et il me semble que beaucoup seraient
intéressés par des détails
à ce sujet, surtout si vous étiez
présent !
- Le fait que Shri Hans était le successeur de
son propre guru, alors que son existence n'est
même pas mentionnée par les officiels de
Radhasoami.
Pour le reste, j'ai toujours cru que m était le
Seigneur, comme il l'a dit pendant des
années.
Je comprends maintenant que ca n'est qu'une croyance,
et qu'elle a peut-être un sens dans la culture
indienne. De même en ce qui concerne la c, qui a
toujours été pour moi un moyen unique
d'être en contact avec 'dieu' en moi. Bien
sûr je ne m'étais jamais rendu compte que
ca n'est qu'une question de croyance, et que
'l'expérience' que j'ai pu avoir dans le groupe
de m tenait davantage à un
phénomène de groupe. Il m'arrive encore
de pratiquer les techniques (j'ai entendu dire qu'il y
en avait plus que 4 au début, mais que la DLM
avait simplifié tout ca pour les occidentaux),
ce que je ressens en moi est toujours présent,
sans la 'grâce' de m bien sûr !
Et il y a toutes les histoires qu'il a raconté
sur sa venue en occident:
- les premiers occidentaux qui ont reçu la c en
Inde, et qui l'ont invité en Gde Bretagne et
aux USA.
- et son premier voyage. Bien sûr il n'a jamais
fait mention des personnes qui l'accompagnaient, sauf
en ce qui concerne Gurucharananand qui était
venu propager avant son arrivée.
Votre 'parcours' avec m et la c seraient très
appréciés, ainsi que VOTRE version de
l'histoire révisée par m !
Je n'ai jamais entendu parler du schisme, et ce qui
s'est passé avec bbj et mataji n'est pas connu
dans le détail.
S:
Je fais faire un bref commentaire sur ce qui me semble
central. Vous avez écrit:
"Pour le reste, j'ai toujours cru que m
était le Seigneur, comme il l'a dit pendant des
années. Je comprends maintenant que ca n'est
qu'une croyance, et qu'elle a peut-être un sens
dans la culture indienne."
En réalité, ca n'a guère de sens
dans la culture indienne. Elle est polythéiste,
et donc inclusive. Elle respecte la
multiplicité et la variété, et
elle n'est sûrement pas apostolique.
Votre croyance prend tout son sens dans la culture
chrétienne occidentale. En
réalité, le mouvement de m ne fait
qu'attacher un vocabulaire indien à une
structure messianique monothéiste.
Par dessus le concept d'exclusivité propre aux
traditions Judéo-Islamo-Chrétiennes,
présent dans des expressions telles que 'le
seul Dieu véritable', 'le seul vrai chemin',
'mon Dieu est meilleur que le tien', 'le peuple
élu', etc., on retrouve des nuances de Christ
ou de Mahomet dans les 'satgurus' qui deviennent ainsi
une sorte de 'synthèse de toutes les fois', et
'la plus haute manifestation du Divin dans l'histoire
de l'humanité' !
La citation 'le guru est plus grand que Dieu' est
totalement sortie du contexte du Sanatan Dharma
(=Hindouisme), et furtivement introduite dans
un contexte monothéiste, ce qui non seulement
n'a aucun sens, mais qui sert à soutenir le
mode de pensée de linéarité
hiérarchique qui est étranger à
la culture indienne.
Une des grandes fraudes du mouvement de m, c'est de
faire croire qu'il est de la tradition indienne, ce
qui n'est pas le cas !
JM:
D'après ce que j'ai pu lire, les gourous Sikh
et ceux de Radhasoami/Sant Mat disent la même
chose.
J'ai lu certaines de leurs Ecritures, leurs livres, et
je trouve que leurs enseignements (au niveau des mots
en tout cas) sont très similaires à
celui de Maharaji ! Je dirais même qu'ils se
plagient les uns les autres.
La seul chose qui semble varier, c'est l'attitude des
gourous et des leaders de ces groupes vis-à-vis
de leurs disciples.
D'après ce que j'ai pu lire dans certaines
études, les groupes Radhasoami/Sant Mat ont
actuellement des millions de disciples en Inde.
Maharaji semble donc très marginal par rapport
à eux.
Où situez-vous ces groupes dans le cadre des
religions indiennes ? Sectes, religions ?
Y a-t-il quelque chose qui m'échappe ?
Sitaram:
Pour commencer, j'avoue n'avoir rien lu de 'M' depuis
28 ou 29 ans, et probablement jamais rien de la
littérature Radhasoami. Pour ce qui est des
détails, je ne suis certainement pas à
la page.
Je veux souligner que le mouvement de M, Radhasoami et
les sectes progressives Sikh modernes sont toutes
originaires du Punjab (région du nord-ouest de
l'Inde), que leurs disciples sont un groupe
très homogène, et qu'elles sont toutes
nées des mouvements réformistes du
19ème siècle. Votre question
soulève un point très important, car
elle nécessite de comprendre le discours
colonial de cette époque (19ème
siècle) en Inde. Les mouvements
réformistes hindous ont débuté au
début du 19ème siècle, pour
combattre l'emprise croissante du christianisme et les
conversions, c'est à dire pour lutter contre
les incursions profondes dans la société
indienne qui étaient faites à
l'époque sur le plan politique.
Les musulmans n'avaient jamais vraiment menacé
la société hindoue en s'y enterrant.
Leurs attaques étaient strictement
extérieures.
Nombre des réformistes étaient des
nationalistes. Mais ils étaient aussi des
apologistes de ce qui était décrit par
les maîtres colonisateurs comme une religion
primitive et brutale, le polythéisme, dont le
résultat était des abominations telle
que le culte des idoles. En commençant par
celui de Ram Mohan Roy à Calcutta vers 1820, le
Brahmo Samaj, l'Arya Samaj et les autres mouvements de
ce genre ont été lourdement
influencés par le christianisme, c'est à
dire le monothéisme. Ils attiraient plus
particulièrement les membres de
l''élite' qui avaient profité de
l'éducation britannique - éducation qui
insistait sur une vision linéaire du monde- car
ils y voyaient à la fois la théologie
chrétienne en tant qu'organisation
politico-sociale, ET le déclin de ce même
christianisme en Europe, dû à
l'émergence de la science moderne, du
rationalisme et du sécularisme. Ils
commencèrent à piller leurs propres
écritures (religieuses) pour y trouver le Seul
Vrai Dieu qui puisse rivaliser avec le Dieu des
Chrétiens.
Ils finirent par désavouer la
multiplicité des dieux, ils
dénoncèrent l'adoration des images, et
ils cherchèrent à supprimer
chirurgicalement les éléments de la
tradition hindouiste qui n'entraient pas dans le
nouveau modèle du monde européen. Le
résultat fut d'arrêter net les
conversions parmi l'élite indienne, ce qui
obligea les missionnaires Chrétiens à se
focaliser sur les rangs inférieurs de la
société indienne. Parce que ces
mouvements étaient une réaction au
christianisme plus qu'une résurgence de la
spiritualité hindoue, non seulement ils
échouèrent, mais ca se retourna contre
eux. Au lieu de créer une arme pour se
défendre, ils retournèrent contre
eux-mêmes les armes de leur adversaire.
C'est ainsi que leur mode de pensée fut
altéré. Avec le but de gagner des
convertis, le concept du Seul Vrai Dieu opposé
aux nombreux faux dieux, le concept
d'exclusivité, de linéarité,
d'unité et d'humanisme remplaça
graduellement les valeurs intrinsèques de
l'ancien 'Sanatan Dharma' inclusif,
non-linéaire, multiple, où l'homme a une
place très insignifiante dans un univers
énorme. Les sectes dirigées par la mono
culture, avec leur clergé à structure
hiérarchique et exclusive, mirent tout leur
accent sur l'atteinte du Nirgun Unique (Dieu sans
qualités) à travers le Sagun Unique
(Dieu avec qualités) sous forme humaine, le
Guru Maharaj. Comme il ne peut y avoir un Guru Maharaj
multiple, tous les hommes peuvent donc être unis
et marcher ensemble (vers la victoire - quel que soit
le sens qu'on lui accorde), sous la conduite du Seul
Vrai Dieu.
Ce qui n'est pas très différent de
l'approche des Peuples des Evangiles, la tradition
Judéo-Islamo-Chrétienne. Ce travail
nécessite un missionnariat, pour
'répandre la bonne nouvelle'.
Alors que l'approche traditionnelle ne dénigre
pas du tout la personne, ni le rôle du gourou,
d'aucune façon. Elle ne le considère pas
comme le Seul Chemin pour toute l'humanité, pas
plus que le père d'une personne n'est le
père de tout le monde. Elle ne considère
pas son satsang comme un satsang universel, pas plus
que personne ne considère les histoires de son
père et ses avis comme applicables à
tout le monde. Elle ne considère pas que ses
'règles' sont applicables à chacun. Elle
met le gourou à la place la plus
élevée, et le porte aux nues, comme pour
un père. Dans ma tradition, mon Gourou, bien
qu'on lui accorde le plus grand et le plus profond des
respects (comme un père dans le meilleur des
mondes), est aussi considéré comme un
'gourou' témoin, au nom de celui qui est
à l'origine de la tradition, le Dattatreya
à trois têtes du Treta Yuga. Un pipeline
vers un autre monde, mais pas le seul pipeline. Un
petit pipeline. Un simple pipeline. L'un des
innombrables cours d'eau qui remontent de
l'océan jusqu'à la source. A l'inverse
des sectes réformées, la Tradition ne
reconnaît PAS d'égalité. Elle
considère toutes les choses comme
inégales, et toutes les catégories et
règles humaines comme temporaires et sujettes
au manquement. Il n'y a AUCUNE hiérarchie dans
le Sanatan Dharma.
Le Sanatan Dharma n'incite pas à la politique
ou aux mouvements sociaux. L'anarchie apparente de la
tradition, comme celle de la nature, la rend
impossible à contrôler. Mais la
mono-culture EST basée sur le
contrôle.
Le résultat de ceci, c'est une certaine
identité qui a été donnée
aux sections de la société indienne, une
certaine confiance en soi, mais la logique ainsi mise
en jeu a été impitoyable.
La roue a effectué un cycle complet au Punjab.
Le Néo-Sikhisme a inséré de force
les vies et les paroles des Gourous (Sikhs) dans le
cadre du monothéisme, en faisant de larges
emprunts à l'Islam et au Christianisme. Cette
entreprise a réussi parce qu'une section
très large et très sonore de
l'intelligentsia Hindoue était entre-temps
devenue fervente du monothéisme. Et cette
section a applaudi lorsque les Akalis ont fait sortir
les prêtres Brahmanes des Gurudwaras, jetant
dehors les images des dieux et déesses faux et
nombreux, qui empêchaient les adorateurs de
trouver la paix et la consolation dans le Seul Vrai
Dieu.
Et pour répondre à votre question, oui,
ce sont des sectes modernes qui ont rejeté la
pensée traditionnelle et les valeurs du Sanatan
Dharma; elles ont adopté une structure
occidentale, même si leur vocabulaire est
resté indien. Nombre de leurs adhérents
sont issus de cette sorte de 'classe' de
fonctionnaires évoluant dans cette
espèce de classe moyenne, qui a
complètement rejeté le système
des castes. C'était également le point
focal de Mac Cauley, dans son compte-rendu
célèbre de 1835, où il cherchait
à créer une 'classe' d'Indiens, bruns de
couleur, mais Britanniques par l'intellect et par le
goût, qui deviendraient les agents et les
intermédiaires du pouvoir colonial en Inde. Et
lorsque l'Inde obtiendrait son indépendance,
ils seraient devenus les alliés de la
Mère Angleterre dans la nouvelle nation
indienne.
La Mission Ramakrishna, une très grande secte,
a récemment été en justice pour
essayer de se faire déclarer comme
'non-hindoue' ! N'est-ce pas curieux ?
Bon, j'espère que ce que je vous raconte vous
incite à la réflexion.
JM:
Il y a maintenant une question qui me semble logique:
pourquoi avez-vous été attiré par
la DLM à cette époque ? Avez-vous
été disciple de Shri Hans ? Si
c'est le cas, qu'est-ce qui vous a attiré chez
lui ? Son 'enseignement' vous semblait-il plus
'hindou' ? Je sais qu'il se moquait souvent des
prêtres hindouistes et des religieux (M faisait
de même). Que s'est-il passé ?
L'enseignement de M était-il différent
de celui de Shri Hans ? Si c'est le cas, qu'est-ce qui
à votre avis, a provoqué ce changement
chez M ? Que pensez-vous des techniques de
méditation telles qu'elles ont
été enseignées aux occidentaux ?
Est-il courant en Inde d'enseigner ces sortes de
techniques ?
S:
Il y a tant de chose à savoir !
A propos de ma connexion avec M. Avez-vous entendu
parler de Mouni Baba ?
C'est lui qui m'y a amené. J'allais à
pieds de Varanasi (Bénarès) à
Prayag (Allahabad) pour participer à la Ardh
Kumbh Mela, sans le moindre souci (pas un centime en
poche). J'avais fait le vu de ne me
déplacer qu'à pieds, et de ne pas
toucher à de l'argent. Dans un petit village,
j'ai rencontré un homme à l'air sage qui
avait fait vu de silence (en fait il avait dit
qu'il ne parlerait plus qu'à un
véritable être humain); il écrivit
dans le sable avec un bâton: 'Je suis
au-delà du language. Si vous souhaitez me
rencontrer, allez au delà du langage.'
Je suis donc allé au-delà du langage, et
après quelques semaines, il me raconta cette
histoire au sujet d'un bébé à qui
il avait offert un ensemble de texte des Védas
et autres textes sacrés, une sorte d'être
humain très spécial. Il me raconta que
les choses allaient très mal, et que l'enfant
était devenu virtuellement prisonnier de sa
méchante mère. Il me narra comment il
était allé à Mirzapur, pour
transmettre un message à l'enfant qui avait
alors 12 ans, et de quelle façon les
employés d'une organisation appelée
Divine Light Mission l'avaient battu et enfermé
dans une pièce obscure pendant une semaine. Il
me montra les cicatrices qui avaient l'air
récentes. Il pensait que je devais aider
à sauver le monde. Et moi, jeune
idéaliste que j'étais, toujours
prêt pour une aventure cosmique, je me suis fait
prendre. La première fois que j'ai
rencontré M et sa mère, c'est quand je
suis arrivé à Prem Nagar couvert de
cendres sacrées, habillé d'une simple
gamsha, un trident à la main. Je ne crois pas
que j'avais des chaussures à cette
époque. Ils m'ont tout de suite aimé, M
m'a donné sa diksha - c'est à dire
l'initiation - le soir même je crois, et
quelques jours plus tard sa mère m'a
demandé de partir en Amérique pour
'répandre la connaissance', quelque chose comme
ca. Je lui ai dit que je ne voudrai jamais quitter
l'Inde. Mais j'ai quitté Haridwar dès
que la mère et son fils sont partis pour Dehra
Dun et St Joseph, et je suis parti pour le Rajasthan,
près de Jaipur, pour voir mon gourou, Hari Puri
Maharaj. Je lui ai raconté toute l'histoire; il
a trouvé ca très bien, il m'a dit
d'aller en Amérique si la femme voulait me
payer le voyage, et d'y gagner de l'argent pour
agrandir le temple d'Hanuman ! Et Mouni Baba m'a dit
de laisser la mère me faire 'mahatma' afin
d'aller diriger l'Occident, et 'capturer' le
garçon, pour l'éloigner de ces
démons.
J'étudiais l'Advaita Vedanta, le Yogachara, et
le Sannyasa Marga. Je connaissais peu de choses dans
ces domaines, mais j'y portais un intérêt
très vif. Le Tantra aussi. Avec tout ce que je
savais, il n'était donc pas utile de me faire
suivre une formation... Les mahatmas de la DLM
étaient de toutes façons totalement
illettrés, ils ne connaissaient rien de la
tradition hindouiste, et ils remplissaient leurs
discours d'histoires racontant les miracles
effectués par leur maître, du style de
celles des Evangiles de la Bible. Ils proclamaient que
toutes les religions l'annonçaient, et ils
disaient que tout est merveilleux, comme dans les
écoles Bhakti. Ils m'ont donc envoyé tel
que j'étais, avec le peu que je savais, mais
j'étais en mission !
Je raconterai la suite plus tard.
Je pense qu'il n'y avait rien de consistant dans
l'enseignement du père, ni dans celui du fils.
Rien qu'un yogi, un savant ou un intellectuel
sérieux n'aurait pris au sérieux. Rien
de comparable à la tradition culturelle et
l'érudition du premier Brahmine
rencontré dans la rue. Le père et le
fils étaient des Chrétiens
fondamentalistes, faisant de grands discours contre
l'Eglise Catholique à la façon indienne.
Les techniques de méditation étaient des
enseignements yogiques bâtardisés,
résultat d'une compréhension du plus bas
niveau. J'ai essayé de donner aux personnes que
j'ai initiées au moins le
bénéfice du mantra joint à la
respiration. Je n'arrivais pas à croire ce que
les 'mahatmas' voulaient enseigner aux
occidentaux.
Bon, je suis heureux de répondre à vos
questions.
JM:
Tout ceci est absolument fascinant. Je ne suis pas
sûr de vous avoir bien compris. J'essaie
d'imaginer le sens de toute cette histoire !
Vous dites que le fils était devenu
virtuellement prisonnier de sa méchante
mère. Cela signifie-t-il que la mère
retenait M prisonnier ? De quelle manière ?
Pourquoi ?
Vous dites aussi que Mouni Baba avait apporté
au bébé tous ces textes sacrés,
etc. Cela signifie-t-il que les disciples de cette
époque (quand M était
bébé) le considéraient comme une
sorte de 'Enfant-Dieu', et qu'il n'était pas
accessible à tous comme il l'aurait du,
à cause de l'attitude de sa mère ?
Ensuite vous dites que Mouni Baba avait en quelque
sorte été témoin de tout ceci,
qu'il vous a raconté l'histoire (ou ce qu'il en
comprenait), et que vous avez décidé
d'accomplir cette mission de présenter le
'gosse' à tout le monde, en dépit de sa
mère (et du reste de la famille).
Etait-ce l'idée de Mouni Baba de 'sauver le
monde', et non celle de Maharaji ????
Ensuite, si je comprends bien, comment avez-vous (avec
l'aide de Mouni Baba) réussi à
convaincre le 'gosse' de partir en voyage en Gde
Bretagne et aux USA ?
N'y a-t-il pas eu aussi l'influence de la douzaine
d'Américains et d'Anglais qui avaient
déjà reçu la connaissance
à Prem Nagar en 1970-1971 ?
Certains d'entre-eux sont toujours avec Maharaji, et
leur version de l'histoire, c'est que ce sont EUX qui
l'ont invité dans leur pays.
Je sais que mahatma Gurucharanananand était
arrivé en Gde Bretagne AVANT M.
Puis vous dites:
"Mouni Baba m'a dit de laisser la mère me faire
'mahatma' afin d'aller diriger l'Occident, et
'capturer' le garçon, pour l'éloigner de
ces démons."
Je suis fasciné par cette histoire, et
j'attends le prochain épisode avec impatience
!
En ce qui concerne les mahatmas illettrés, j'en
ris encore. Je ne peux m'empêcher de songer aux
mahatmas indiens et aux instructeurs/initiateurs
occidentaux: c'est toujours la même chose ! Non
pas que je rie de leur ignorance, il n'y a rien de mal
à cela, mais je pense au mal que ces types ont
fait à tant de personnes innocentes (sans
parler des abus perpétrés par un certain
nombre d'entre eux, ce qui n'est pas surprenant au vu
de leur ignorance et de leur manque d'éthique -
due à leur manque de véritable
expérience spirituelle). En
réalité tout ceci est bien triste.
S:
Je pense qu'il y a plusieurs niveaux auxquels il faut
considérer ceci. Je crois que le père et
la mère de m avaient décidé peu
après leur mariage (ou bien peut-être
longtemps avant) que le fils de Hans deviendrait une
sorte d'avatar, et il avait commencé à y
préparer ses disciples. A la naissance de
l'aîné, c'était donc lui l'avatar.
Mais ca n'a pas marché. Ils ont changé
leur projet, et ont choisi m comme avatar peu
après sa naissance. En dépit du fait que
l'aîné avait déjà
été annoncé comme avatar, ils ont
réussi à s'en sortir en disant que
l'aîné était AUSSI un avatar, mais
que m était une sorte d'avatar d'un rang plus
élevé. Quelle que soit la façon
dont Mouni Baba était entré en relation
avec m bébé, il le considérait
comme divin, et considérait donc toute sa
famille comme sainte pour cette raison. Mais seul le
bébé était divin.
Ce que Mouni Baba pensait à l'époque,
c'est que la mère retenait la divinité
de l'enfant prisonnière dans le sens où
elle contrôlait l'accès à
l'enfant, et elle contrôlait l'accès de
l'enfant au monde des personnes et des idées.
Elle était en train de créer un empire
dont elle dirigeait les affaires, elle était
aux commandes. Une sorte de pouvoir derrière le
pouvoir. Le véritable pouvoir. Comme dans la
politique indienne (et comme dans la politique de tout
autre pays).
Avez-vous lu Foucault ? Pour aller dans le sens de sa
théorie du discours, je dirais qu'il y a plus
à découvrir sur les origines de la DLM
dans la politique indienne des années 60 et 70,
que dans toute l'histoire des mouvements religieux
indiens. Les connexions sont plus horizontales que
verticales.
Elle contrôlait chaque aspect de sa vie. Ce
qu'il disait, ce qu'il portait, même ce qu'il
pensait. Mais pire que cela, à partir de la
mort de son mari, elle s'est entourée d'un
groupe de personnes de bas niveau et très
ambitieux, grâce auxquels elle exerçait
davantage de contrôle et de manipulation, non
seulement sur le garçon, mais aussi sur les
pauvres âmes qui se considéraient comme
chanceuses de faire partie d'un groupe restreint de
disciples 'privilégiés' (et comme la
théologie chrétienne se glissait dans
les mouvements hindous réformés, ces
idiots se prenaient pour des sortes d'apôtres du
messie). Mouni Baba n'est pas le seul à avoir
eu des problèmes. Il y en a eu beaucoup
d'autres dont les relations avec la mère
n'était pas de son goût, et
l'accès à m leur fut
supprimé.
Je pense que Mouni Baba se considérait comme
détenteur d'un rôle 'cosmique'
très spécial. Comme il était un
brahmane dans un environnement pratiquement
anti-brahmane tel que celui de m, il se
considérait un peu comme un rishi tel que
Vashisht, et sa relation avec m un peu comme celle de
Vashisht et Rama. En Inde, les brahmanes sont les
professeurs et les prêtres, et en tant que tel,
Mouni Baba penchait vers le service de la
Vérité plutôt que sauver le
monde.
La mère avait planifié un empire
international. Elle avait prévu qu'il irait sur
d'autres continents. C'était le rôle des
disciples étrangers. Elle voulait que les
disciples étrangers retournent dans leurs pays,
qu'ils y ouvrent des DLM, qu'ils collectent de
l'argent, et qu'ils invitent m après avoir
organisé des programmes. Je n'avais pas
prévu d'y participer, puisque je voulais rester
en Inde. Pourtant, j'ai été très
intrigué par ce sentiment de quelque chose de
grand, de 'cosmique'. A cette époque, Mouni
Baba n'était absolument pas clair au sujet de
ce qui allait se produire; seulement d'une chose de
tout à fait anormale qui était en cours.
Je n'ai commencé à saisir
l'infrastructure qu'au moment où j'ai
vécu avec un certain nombre de 'mahatmas' avant
de partir aux USA. Ces hommes étaient
très différents des mahatmas que j'avais
connus dans les ordres de Sannyasins, et dans les
autres ordres en Inde. Ils n'avaient ni la formation,
ni l'expérience des vrais yogis et des vrais
sadhus; ils étaient poussés par une
mission à accomplir. J'ai eu un problème
avec ceci dès le départ. Mouni Baba
avait écrit dans mon agenda: "Isa
(Jésus) dit monte. Monde dit descend. Donc ils
le tuent. Mission c'est monde."
Ni Mouni Baba ni moi n'avions l'idée ou le
désir que m aille en occident. Si on nous
l'avait demandé, nous nous y serions
opposés. L'Anglais important de
l'époque, Saphalananda, n'était pas non
plus content de retourner en Angleterre. Il l'a fait,
mais il n'a jamais pu rien faire sur le plan pratique
parce qu'il était une véritable
personnalité spirituelle, et pas un vendeur
comme certains des Cockneys et autres qui pouvaient
raconter n'importe quoi et vendre.
J'ai été envoyé aux USA pour y
faire venir M. Une fois aux USA, j'ai coordonné
son premier voyage jusque là-bas avec les gens
de Londres. Londres a payé pour le billet
à partir de Delhi, j'ai payé pour
Londres- Los Angeles. Oui, nous l'avons invité.
Mais nous ne faisions qu''exécuter les ordres'
- la mère nous avait dit de l'inviter. Pour ce
qui est de l'Angleterre, Gurucharananand y avait
été envoyé parce qu'ils n'y
faisaient aucun progrès. Pour les personnes de
Delhi, Saphalananda était un échec
total. Ils le considéraient comme un vieux
hippy drogué, et le disaient ouvertement. Je
discutais souvent avec les 'mahatmas' à son
propos, et c'est sûr qu'il était plus
connecté intérieurement qu'ils ne
l'étaient. Je crois qu'ils ont fini par l'avoir
et à le lobotomiser d'une manière ou
d'une autre. Mais Gurucharananand a été
envoyé là-bas pour y inviter
m.
Pour tout
savoir sur les origines d'Elan Vital:
Une Perspective Indienne
: Maharaji au regard de l'Hindouisme
Le Livre 'Paramhansa Advait
Mat': Lignage, vie et enseignement des
Satgurus.
Introduction: Sikhisme et groupes
apparentés : Kabir, Nanak, Sikhism, Sant
Mat, Radhasoami & EV
Similitudes avec la tradition
Radhasoami : Les idées Radhasoami
présentées sous le drapeau de la DLM -
Elan Vital.
Commentaires du Prof. David
Lane : Relations
entre la DLM à ses débuts et les groupes
Radhasoami et Advait Mat.
Le Shabdisme aux USA :
Relations avec Radhasoami - Raisons du déni de
l'héritage religieux.